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société de contrainte, condition négative, mais indispensable de la réalisation des deux premières à laquelle est affecté le nom d’État, — trois domaines où devra régner la pensée sous la forme de trois sciences, l’Économique, la Morale et le Droit.

II

L’Économique est donc une branche de la philosophie au même titre que le droit naturel, au même titre que la morale et nous ne nous sommes pas rendu coupable d’une intrusion en sollicitant pour elle une place dans cette Revue ; c’est un premier résultat de la classification que nous avons partiellement ébauchée. Du reste, si les exemples de Condillac, d’Adam Smith, de Stuart Mill, de Stanley Jevons, de Cournot et de Sidgwick n’établissaient pas suffisamment l’affinité des études logiques et psychologiques avec la science de l’économie, nous invoquerions l’autorité d’Aristote et tout serait dit.

Second point : l’économique, se coordonnant au droit naturel et à la morale, s’en distingue fort nettement par la nature de son problème. Nous ne dirons pas, en effet, avec M. Charles Gide, que « le domaine de l’économie politique embrasse tout ce qui concerne la richesse dans l’acception la plus générale de ce mot[1] ». Sans demander comment cette ampleur d’acception du mot richesse se concilie avec l’exclusion des richesses immatérielles prononcée un peu plus bas[2], détail important sur lequel il faudra revenir, nous voyons mal ce que gagnerait le système des sciences à ce que l’économique absorbât la moitié de la morale avec les trois quarts du droit civil et du droit pénal. Trois questions s’imposent à l’esprit, nous dit l’excellent auteur :

« I. Par quels moyens se produit la richesse ? » — Nous répondrons : par la force musculaire obéissant à l’intelligence et s’aidant de l’arc, du pic, de la charrue, de la voile, de la poulie et du levier, de la vapeur, de l’électricité, du chien, du cheval, du chameau, du bœuf, de l’éléphant, en un mot de toutes les forces de la nature animée ou inanimée, affaires de technique, non d’économique.

« II. Quel est l’emploi qu’on doit faire de la richesse ? » — Posée en ces termes, la question relève de la morale ; ce qui appartient à l’économique, c’est de nous dire quel emploi de la richesse créée servira le mieux à nous enrichir davantage.

  1. Principes d’économie politique, p. 2.
  2. Ibid., p. 43.