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même commence actuellement la modification de ce qui est, la réalisation de ce qui peut être ou de ce qui doit être.

La force que nous attribuons ainsi aux idées ne consiste pas à créer des mouvements nouveaux ni même des directions nouvelles de mouvements qui ne résulteraient pas des mouvements antérieurs une fois donnés ; mais il s’agit de savoir si, dans la réalité, nos mouvements peuvent être donnés sans des conditions psychiques en même temps que mécaniques, et si l’abstraction des facteurs psychiques, légitime en physiologie, est légitime en philosophie. L’idée, avec les représentations, sentiments et désirs qu’elle enveloppe, est une rencontre de l’intérieur et de l’extérieur ; elle est une forme que prend l’intérieur par l’action de l’extérieur et par la réaction propre de la conscience elle implique donc des mouvements et n’agit pas par le dehors, du haut d’une sphère spirituelle, sur le cours matériel des choses ; elle n’en agit pas moins. Elle est même, à notre avis, l’intuition du ressort qui se développe au dedans, et cette intuition, loin d’être un éclairage passif, est la conscience d’une réaction de l’ensemble de notre être, réaction dont les mouvements cérébraux ne sont qu’un extrait et un effet partiel. Il y a en nous un total d’activité dont nous abstrayons les mouvements comme étant ce qui donne prise à la science positive ; mais les lois du mouvement ne sont ni les lois internes ni les lois primordiales ; elles sont un fragment et non le tout, un résultat, non un principe. Les lois psychiques sont plus radicales que les lois physiques, parce qu’elles se ramènent à l’appétition et que l’appétition est, pour le philosophe, une raison plus profondément explicative que les formules de la mécanique ; c’est une ouverture sur le dedans des êtres et non plus sur leur dehors. Physiquement, il y a une loi qui relie le mouvement de nos membres à l’activité cérébrale et qui fait que cette activité transforme le mouvement moléculaire de tension en mouvement de translation : l’activité cérébrale est une force mécanique ; psychologiquement, il y a une loi qui relie la volition à la pensée et au sentiment : l’activité consciente est une force psychique. De plus, cette seconde force est l’intérieur de l’autre, ou plutôt elle est la seule force proprement dite, car, mécaniquement, il n’y a point de forces, il n’y a que des mouvements et des formules mathématiques exprimant la succession de ces mouvements. L’efficace, la causalité efficiente, l’action, la force, tout cela est en dehors de la mécanique comme de la logique, et ne peut être conçu que comme psychique. Voilà pourquoi, donnant le nom d’idées à tous les états de conscience qui existent plus ou moins pour le sujet et sont plus ou moins représentatifs d’objets, nous aurons le droit de dire les idées-forces, si nous