L’ÉVOLUTIONNISME DES IDÉES-FORCES
I
I. — Notion générale de la doctrine des idées-forces.
On est porté de nos jours à étudier l’évolution sans y introduire aucun facteur de l’ordre mental : les faits psychiques, sentiments, pensées, désirs, n’apparaissent que comme des « résultats collatéraux » sans influence propre, des phénomènes surajoutés ou « épiphénomènes » superficiels, incapables de contribuer en rien au cours des choses. Telle est la conception à laquelle se sont arrêtés Bain, Huxley, Maudsley et Spencer lui-même dans sa grande construction philosophique. Si ce sont les vues d’ensemble, comme a dit un de nos écrivains, « qui distinguent les esprits supérieurs », ce sera sans doute l’honneur de Spencer de n’avoir poursuivi rien moins que l’esquisse et même le développement général de la science unique ». Mais en fait, chez Spencer, la théorie de l’évolution manque d’unité. Elle laisse l’esprit en présence de trois termes dont le lien échappe : d’abord un inconnaissable, puis deux séries de faits connaissables (faits physiques et faits psychiques) dont la seconde vient se surajouter on ne sait comment à la première, au moment de l’évolution où, dans la matière jusqu’alors insensible, un changement à vue fait surgir des êtres sentants. La vie même et la sensibilité ne vont point pari passu, car, avant ce que l’on pourrait appeler l’« époque » psychologique de l’histoire universelle, Spencer admet un âge biologique d’une longueur indéterminée pendant lequel il n’y a pas