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ANALYSES.ch. richet. La chaleur animale.

taines lésions du cerveau peuvent produire directement de l’hyperthermie. Prenant un lapin bien portant, ayant une température normale de 38°, 6, et lui enfonçant dans la région antérieure du cerveau une aiguille mince, il vit la température de ce lapin monter rapidement. Dans les cas heureux, l’ascension thermique peut être de deux degrés en moins d’une heure. Cependant rien ne paraît changé aux allures de l’animal. Il n’a ni contractures ni paralysies. Il marche, court, mange, regarde, entend, comme avant la piqûre cérébrale ; et le seul phénomène appréciable chez lui, c’est l’hyperthermie. Cette expérience a d’ailleurs été reproduite plus tard, avec le même succès, par MM. Aronsohn et Sachs, puis par M. Girard.

Disons en passant qu’une conséquence de cette expérience, c’est la possibilité d’admettre une fièvre nerveuse. Si l’on admet que les fièvres infectieuses, provoquées par des microbes, sont dues à la formation de telle ou telle substance chimique, toxique, qui, agissant sur le système nerveux, amène de l’hyperthermie, il faudra supposer l’existence, dans le cas de fièvre nerveuse, d’une stimulation traumatique aboutissant au même effet.

En somme, il semble bien prouvé, pour toutes ces observations et toutes ces expériences, que le système nerveux est un régulateur, et un régulateur chimique, selon la conception sur laquelle insiste M. Richet. Il est certainement, dans une certaine mesure, et par l’intermédiaire des vaso-moteurs, un régulateur mécanique ; mais ce n’est presque pas par la mise en jeu des vaso-moteurs qu’il maintient notre température à un niveau constant, régulier : c’est par son influence sur l’activité chimique, des muscles d’abord, puis des glandes, peut-être de tous les tissus en général. Ce qui donne d’ailleurs un appui solide à cette opinion, c’est que, dans les cas d’hypothermie, toujours la radiation calorique est très diminuée.

Les lésions cérébrales peuvent aussi nous renseigner à cet égard. En effet, quand la lésion est légère, c’est une excitation cérébrale qu’on constate, en même temps que l’augmentation de la température centrale et des échanges. Quand la lésion est profonde, c’est une dépression générale qu’on observe, en même temps qu’une diminution de température. Ce qu’il y a encore de très digne de remarque, c’est que constamment les phénomènes psychiques et les phénomènes chimiques vont de pair. Si l’animal est actif et excité, il a une température élevée ; s’il est très déprimé, sa température est basse. C’est qu’alors l’excitation nerveuse est supprimée. Donc, après avoir fait la part des actions vaso-motrices et musculaires, on arrive, « en dernière analyse, à un phénomène profondément mystérieux, mais aussi solidement établi qu’il est mystérieux, à savoir que les nerfs, en actionnant les cellules qu’ils innervent, déterminent des changements chimiques intra-cellulaires capables de produire plus ou moins de chaleur, selon qu’ils sont plus ou moins intenses. Comment une vibration nerveuse peut-elle amener un dédoublement chimique ? Voilà ce que nous ignorons bien