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M. Duboc reconnaît la marque et voudrait trouver le point de départ du pur amour. L’amour pur veut aussi posséder son objet ; il lutte pour le conquérir contre l’ordre social même, et le devoir ne triomphe sûrement de la passion que chez les natures supérieures, quand il est passé dans le sang et a acquis la valeur d’un sentiment. Tel le Max de Schiller ; il se sait tenu d’être fidèle à son empereur, et le sentiment moral a si bien pénétré toutes ses tendances qu’il obéit encore au devoir en vertu de son amour, afin de ne pas déchoir et de demeurer objet d’idéal pour son amante. Les droits de l’amour restent donc soumis, pour lui, à un autre droit régulateur, et dès lors nous avons à considérer dans les conflits moraux les grandes crises de l’évolution du droit. Car ces conflits de l’amour affectent des formes assez différentes ; il peut y avoir conflit de droit entre l’amour et la règle sociale, et la Camille de Corneille ne mériterait pas en tous les temps d’être tuée par son frère parce qu’elle pleure un Curiace. Les rapports du droit commun avec nos sentiments ou nos passions sont variables, et l’intérêt de tout conflit est dans cet effort à la conciliation de nos tendances maîtresses sous une règle qui les enveloppe toutes.

Max et Thécla se jugent obligés tous deux à renoncer l’un à l’autre, et ils ne sont pas en état d’accorder l’idéal de leur amour avec l’idéal actuel du devoir. Max cherche la mort sous le coup d’une nécessité douloureuse, et parce que la vie, dans le moment où il perd son amante, lui apparaît vide et décolorée ; mais il la cherche en combattant, et je ferai remarquer incidemment à M. Duboc que c’est autre chose de périr dans la bataille ou de se donner la mort de sa propre main. Tel que Schiller a compris son héros, il me semble que le suicide le dégraderait. J’ajoute maintenant qu’on pourrait se figurer, à la rigueur, Max vivant sans la possession de son objet, mais non pas déchu moralement, et ce serait assez pour montrer la qualité dominante du devoir. Mais un Max survivant ne serait plus un héros tragique, et l’optique du théâtre exige l’achèvement de l’action par sa mort. Ceci est affaire d’esthétique et je n’ai pas loisir à présent de porter la discussion sur ce terrain.

Ce petit livre de M. Duboc invite, on le voit, à la critique. Il est bien écrit, comme tout ce qui vient de la plume de l’auteur, et il vous porte en des régions élevées où l’on respire librement et pleinement. Qui a souci de l’art le lira avec plaisir et profit.

Lucien Arréat.

A. Loria. La teoria economica della costituzione politicà, in-8o. Bour. Roma-Torino-Firenze.

Si l’on veut savoir ce que devient l’histoire considérée à travers les lunettes de l’économiste, non sans d’étranges réfractions, il faut lire la substantielle brochure de M. Loria sur la Théorie économique de la constitution politique. M. Loria est un esprit outrancier, lucide et brillant ;