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vidus. Je ne pense pas que la majorité de vos correspondants parvienne à un semblable résultat. Beaucoup ne connaîtront que dix, vingt ou trente personnes, en tout, liées par une étroite parenté.

En adressant une dizaine des feuilles relatives aux hommes et autant de celles relatives aux femmes, à chacun de vos informateurs, ce serait suffisant pour commencer. Ceux qui connaissent beaucoup de familles et ont du zèle en demanderaient davantage.

Je serai heureux si mes indications vous sont de quelque utilité, et vous prie, monsieur, de me croire toujours

Votre très dévoué confrère,
Alph. de Candolle.

Genève, 4 janvier 1887.
À Monsieur H. Taine, membre de l’Académie française.
Monsieur,

Je suis très sensible à l’approbation donnée par la Société de psychologie au questionnaire que j’ai pris la liberté de vous adresser, mais je ne serai pas sans inquiétude si mon projet n’est pas amélioré.

Permettez-moi de signaler deux problèmes en vue desquels il est à désirer qu’on introduise de nouvelles questions, si l’on en trouve qui ne soient pas trop difficiles à examiner.

Une question très obscure est de savoir, dans les caractères distinctifs d’une personne, ce qui est natif (c’est-à-dire presque toujours hérité) et ce qui est venu de l’éducation, des exemples, des institutions et des mœurs du pays. M. Galton oppose Nature à Nurture, jeu de mots qui exprime bien cette distinction capitale. C’est en vue de ce problème que j’ai noté plusieurs demandes sur l’éducation, l’état des parents, l’instruction du sujet, etc. La Société pourra peut-être mieux préciser ces questions et les étendre.

Autre problème bien plus obscur ! Deux frères, nés des mêmes parents, ont quelquefois des qualités et des défauts qui les rendent très dissemblables. L’un a pu ressembler au père, l’autre à la mère, ou les caractères distinctifs dérivés des parents se sont trouvés assemblés d’une façon très différente, ou encore ils ont tenu de quelqu’un de leurs grands-parents. Mais si ces explications ne sont pas possibles et que les deux frères aient été soumis aux mêmes influences extérieures, on est obligé de recourir à l’hypothèse que l’état physique ou moral des parents n’était pas le même lors de la conception des enfants. L’observation a prouvé l’effet désastreux de l’ivresse ou de l’ivrognerie habituelle du père ou de la mère. Les éleveurs savent bien qu’il ne faut pas employer un étalon ou une femelle momentanément affaiblis. Dans l’espèce humaine la santé physique, morale et intellectuelle varie beaucoup chez le même individu. On en constate quelque-