Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/659

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
649
ANALYSES.f.-e. abbott. Scientific Theism.

velle découverte. Pour une intelligence infinie, tout serait, en quelque sorte, phénomène ; pour l’homme, le non-phénomène se réduit à mesure parce qu’il n’est que ce côté de l’être que nous ne connaissons pas encore, mais que rien n’interdit pour toujours à notre intelligence.

Idéalisme, subjectivisme, phénoménisme, portent en eux-mêmes leur propre contradiction. Si rien n’existe que ce qui est représenté, ce qui représente n’existe aussi que dans la mesure où il est représenté ; en d’autres termes, le sujet n’a d’existence que dans et par ses différents états successifs. La représentation seule, l’acte de conscience est réel. Et il est réel d’une réalité absolue ; il est à la fois tout le sujet et tout l’objet. Il existe en soi ; c’est dire qu’il est noumène, c’est dire encore que tout ce qui existe est noumène, et le phénoménisme pur aboutit à un nouménisme exclusif, celui du phénomène !

Je signale cette discussion de M. Abbott ; elle est originale ; j’ose dire qu’elle ne manque pas de solidité. Je n’ai pu qu’en résumer les traits essentiels, et lui ai peut-être enlevé de sa force. Mais le livre est court, je prie qu’on le lise et qu’on accorde au relationisme ou réalisme scientifique de l’auteur l’attention qui, je crois, lui est due.

II. Le réalisme scientifique, s’il est accepté, doit conduire à une religion qui est la religion de la science, la seule que puisse admettre l’esprit moderne. Si le postulat fondamental de la méthode scientifique est l’intelligibilité infinie d’un univers qui existe en soi, il faut se demander ce que c’est que l’intelligibilité.

À parler rigoureusement, il n’y a d’intelligible que les relations. L’intelligence ne saisit véritablement que des relations, puisque toute connaissance se résout en un jugement. Et, nous l’avons dit, les relations ne sont séparables, ni dans l’être, ni dans la pensée, des termes mêmes entre lesquels elles existent. Ç’a été le grand défaut de l’ancien réalisme scolastique que de traiter les relations comme si elles étaient des choses et de les concevoir comme des entités séparées ; c’est le grand mérite du nouveau réalisme scientifique que de traiter les choses et les relations comme deux ordres entièrement distincts de réalité objective, indissolublement unis et mutuellement dépendant, bien qu’entièrement dissemblables en eux-mêmes.

« La chose (τόδε τι, hoc aliquid unum numero, das Ding, das Etwas) est un système unique de forces intimes en corrélation étroite, et se manifeste par des qualités, actions ou mouvements spécifiques. Les qualités, actions, mouvements, font d’elle un phénomène ; le système de relations fait d’elle un noumène, c’est-à-dire constitue à la fois l’unité réelle de la chose et son caractère intelligible. Cette constitution relationnelle immanente de la chose individuelle est, selon la théorie du nouménisme, le vrai « principe d’individuation » ; principium individualitatis est omnimodo determinatum) ; la perception ne découvre jamais ni n’épuise toutes les relations ou déterminations particulières qui