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pour l’intelligence et l’appréciation de ces manifestations sublimes du sentiment.

L’auteur de l’attachante biographie de Catherine plaide ici, en termes un peu vagues, la thèse d’une sorte de doctrine ésotérique, dont les origines seraient à chercher dans toute espèce de siècles et d’endroits différents. Mlle Mignaty parle aussi du « sens occulte ». Nous éviterons pour notre part ces définitions, mais nous réclamerons l’extension des cadres de l’étude de l’âme. Les faits du sentiment religieux méritent d’être analysés autant et plus peut-être que tous autres. Notre époque qui a commencé par les mettre à l’écart, reconnaît aujourd’hui leur haute valeur. Là aussi, comme en maint autre domaine, l’apologétique et la polémique sont également déplacées. Ce qui importe, c’est qu’on restitue les conditions exactes de production de semblables manifestations, qu’on les groupe et qu’on en fasse l’objet d’une étude méthodique. Sous ce rapport, le portrait de la grande sainte constitue une utile contribution et l’on ne saurait trop louer la disposition d’esprit de l’auteur.

Parmi ceux qui appliquent leur curiosité scientifique aux phénomènes de la psychologie religieuse, M. G. Barzellotti est au premier rang. Son nouveau volume, Saints, solitaires et philosophes, avec le sous-titre, Essais psychologiques, sera accueilli avec empressement[1]. Le premier sujet qu’on y rencontre est une étude consacrée à saint Augustin, puis une biographie de David Lazzaretti dont nous avons fait naguère un éloge aussi vif que mérité et qui est ici reproduite. Les essais suivants sont consacrés à la tentation de saint Antoine, aux philosophes du rationalisme anglais et français de Bacon et Descartes à Leibniz, à Emmanuel Kant, Schopenhauer et Leopardi.

Nous ne sommes plus ici en présence des à peu près de Mlle Mignaty, ni de théories philosophiques qui n’avancent guère la solution des questions. M. Barzellotti est trop fin pour s’attarder à protester contre les doctrines d’un spiritualisme et d’un matérialisme également arriérés, trop fin surtout pour tracer les linéaments d’une nouvelle doctrine. Il sait parfaitement que la meilleure manière de renouveler les cadres d’une science insuffisante, c’est de fournir à l’étude des matériaux qui obligent à en modifier les dispositions et l’étendue. En décrivant des figures typiques comme celles qu’il fait revivre d’un pinceau si habile, il hâte l’heure où le mysticisme deviendra l’objet d’une investigation méthodique et rationnelle.

Je crains que les progrès de la psychologie ne doivent point grand’chose à deux ouvrages qu’il me reste à mentionner, l’un de cet effrayant polygraphe qui s’appelle Adolphe Bastian[2], l’autre, d’une prêtresse de la théosophie[3]. Puisqu’on a bien voulu nous les faire parvenir, notre devoir est de dire que nous les avons reçus ; nous ne nous croyons pas tenus à plus.

Maurice Vernes.

  1. In-12, xviii et 525 pages.
  2. L’âme,… etc. In-8o, xlviii et 223 pages.
  3. La Théosophie universelle,… etc. In-8o, 120 pages.