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sera intitulé la Philosophie chrétienne ; il en a publié par avance sous le titre de Concept de la philosophie chrétienne[1] un extrait, qui se recommande par les qualités que nous avons déjà louées chez lui.

L’on ne se lasse pas en Allemagne de peser les mérites de saint Thomas d’Aquin. Aux nombreuses publications qu’a soulevées la bulle pontificale recommandant de mettre les ouvrages du grand docteur à la base des études philosophiques, ajoutons la brochure aussi claire que substantielle de M. R. Eucken, la philosophie de Thomas d’Aquin et la culture du temps présent[2]. L’auteur place fort haut saint Thomas d’Aquin, mais ne croit pas qu’on puisse en faire le guide de la recherche spéculative des temps modernes. Si éminent que soit ce système, il « a fait son temps ».

Mlle Mignaty a entrepris de retracer une des figures les plus extraordinaires du xive siècle, celle de Catherine de Sienne[3]. C’est moins ici une monographie détaillée qu’un portrait. L’auteur nous explique ainsi ses intentions : « Aucune des biographies de la sainte ne nous a expliqué jusqu’à présent les vrais ressorts de cette âme passionnée, qui fut à la fois une grande Voyante et une femme d’action. Poussée par ses visions, la simple fille d’un teinturier de Sienne remue l’Italie et toute la chrétienté, impose sa volonté à des princes et à des papes. Si nous lisons les apologistes de l’Église, elle nous apparaît en tout comme l’instrument de puissances surnaturelles. Si nous écoutons les physiologistes contemporains comme M. Asturaro, ces faits inouïs s’expliqueraient par le seul mot d’hystérie ou de trouble nerveux. Les deux explications m’ont paru également insuffisantes. J’ai tenté de résoudre l’énigme en pénétrant dans le fond de cette conscience puissante, de cette volonté énergique. Derrière la légende, j’ai cherché l’histoire d’une âme. Dans ces pages, on trouvera Catherine au milieu de ses contemporains, dans le cadre pittoresque de ce xive siècle si violent et si tragique, mais le développement intérieur de cette âme, sa psychologie intime m’a servi de fil conducteur et lumineux pour traverser ce labyrinthe. »

Je ne saurais déclarer que l’auteur ait mis à nu, selon sa promesse, les « ressorts » de cette étonnante personnalité. Ce qui me frappe dans ce petit volume, c’est un art sobre et gracieux par lequel les différents côtés de l’action de la grande Voyante sont tour à tour notés avec une symphathique précision. Quant à l’explication, c’est une autre affaire. L’auteur a grand’raison de dire qu’on n’avance à rien en parlant soit de forces surnaturelles, soit de troubles nerveux. Puissance surnaturelle est un mot vague, qui ne rend compte de rien. Trouble nerveux a presque l’air d’une sottise et n’est pas davantage une explication.

Prenons un des faits les plus extraordinaires de cette vie et appliquons-y les clefs qu’on propose. On excusera la longueur de la citation

  1. In-8o, 28 pages.
  2. In-8o, 54 pages.
  3. In-8o, 144 pages.