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blit sur un classement aussi aléatoire les grands traits d’une longue évolution religieuse portant sur plusieurs siècles. Dans l’ouvrage, d’ailleurs estimable, que nous avons sous les yeux, le premier de ces trois documents sert de source pour la première des trois périodes proposées, le second dépose pour la deuxième et le troisième est allégué pour la période qui vient en dernier. Qu’il plaise à quelqu’un, non pas même de déranger l’ordre des documents ci-dessus, mais de changer les dates qu’on propose pour l’un ou l’autre, voilà tout l’édifice compromis.

Le progrès que l’on a réalisé sur l’ancienne école d’exégèse en mettant plusieurs périodes là où l’on ne se préoccupait point de distinguer les dates et les auteurs différents, est donc, nous regrettons de devoir le dire, beaucoup plus apparent que réel. À ouvrir des livres tels que le présent, on s’attend à trouver des divisions solides et incontestables ; là l’examen, on s’aperçoit qu’il en faut beaucoup rabattre. Ces observations critiques ne sont point pour diminuer la valeur d’une œuvre utile et qui est appelée à rendre des services. Si l’on veut consulter la Théologie de l’Ancien Testament en n’attachant qu’une médiocre importance à la division des époques, on tirera un très bon usage des indications aussi précises qu’abondantes qui y sont contenues.

Voici précisément un ouvrage dont les conclusions sont de nature à renverser l’édifice si laborieusement substitué par l’exégèse contemporaine aux théories traditionnelles. Les Mélanges de critique biblique[1] sont l’œuvre posthume d’un polygraphe des plus distingués, de M. Gustave d’Eichthal, qui a tour à tour abordé d’une plume curieuse les problèmes sociaux, politiques et religieux et dont le principal ouvrage, Examen critique des trois premiers évangiles, reste une importante contribution à l’histoire des premiers temps du christianisme. M. d’Eichthal aborde dans le présent volume trois questions, l’examen de l’intégrité du récit de la création au chapitre Ier de la Genèse, l’étude du nom et du caractère du Dieu d’Israël, lahveh ou Yahvéh, et la question d’origine et de composition du Deutéronome.

Nous dirons un mot seulement des deux premiers travaux, qui avaient déjà été publiés. M. d’Eichthal signale dans le récit de la création certaines anomalies, notamment la mention de la succession des jours et des nuits dès la création de la lumière et antérieurement à celle de soleil, qui ne vient qu’au quatrième jour. Ce trait lui parait la marque d’une perturbation. Par une série de déductions ingénieuses, il pense établir qu’il aura existé de ce chapitre un texte primitif, où la création du soleil et de la lune, autrement dit des luminaires, suivait immédiatement celle du firmament et était assignée au premier jour. Dans cette hypothèse, les difficultés qu’on a signalées depuis longtemps dans le tableau de la création disparaîtraient, pense-t-on. — Serait survenu un auteur, qui, dans une intention de polémique contre la doctrine persane, aurait tenu à spécifier que Dieu est également l’auteur

  1. In-8o, III et 402 pages.