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autant que l’on voudra de l’unité en prenant m suffisamment grand, si petit d’ailleurs que soit .

Habituellement, on conclut de là que, si on joue un nombre assez grand de parties, on approche autant que l’on veut de la certitude de voir l’as sortir une fois sur 6. M. Cournot a très bien montré que l’on faisait là un raisonnement erroné ; mais il n’a pas complètement résolu la question, parce qu’il n’a pas vu que la théorie de Bernouilli n’a pas la généralité objective qu’on lui attribue le plus souvent.

En réalité, l’application du théorème de Bernouilli ne se démontre pas : il nous est permis seulement de concevoir un jeu qui se conformerait à ce résultat mathématique ; il est plus que probable qu’il n’en existe aucun dans ces conditions ; mais c’est à l’expérience de nous faire connaître si on peut assimiler, avec assez d’approximation, les phénomènes, dus à ce qu’on nomme le hasard, à cet idéal purement logique. En fait, les joueurs ne regardent les dés comme bons que tout autant qu’une face sort à peu près une fois sur 6 ; si, en jetant une pièce en l’air, on voyait pile apparaître beaucoup plus souvent que face, personne ne voudrait s’en servir pour jouer.

Le théorème de Bernouilli ne serait pas complet sans une réciproque très importante démontrée par Laplace. Supposons un jeu idéal où un événement soit apparu 1000 fois en 10000 coups ; on peut suppose r pour la chance de l’événement toutes les valeurs possibles, comprises entre 0 et 1 : chacune de ces hypothèses donne une chance déterminée pour l’arrivée de l’événement 1000 sur 10 000 ; on comprend assez facilement, et le calcul montre que, de tous ces chiffres, le plus grand correspond au cas où l’on suppose que la chance de l’événement est de 1/10 ; mais on peut aller plus loin : chacune des hypothèses détermine une série de cas possibles et une série de cas où l’événement arrive 1000 fois. Réunissant toutes ces énumérations, nous avons : d’une part, tous les cas possibles, et, d’autre part, tous ceux où une hypothèse déterminée amène l’événement 1000 fois. Nous pouvons aussi compter tous les cas où l’événement arrive 1000 fois par suite d’hypothèses comprises entre et ( étant un nombre quelconque). En divisant ce nombre par celui de tous les cas possibles, on a la chance de l’hypothèse faite. Le calcul donne la valeur de cette quantité : on trouve, d’une manière générale, qu’en appelant le nombre de coups, et le nombre de fois que l’événement se produit, la chance que la chance de l’événement soit comprise entre a est d’autant plus grande que est plus grand, et peut devenir aussi peu différente que l’on veut de l’unité.