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B. PEREZ.l’âme de l’embryon, etc.

mots prononcés devant lui qu’il ne répète de lui-même, par imitation, les sons, les syllabes et les mots qu’il entend. Il produit de lui-même, avant de parler ou d’imiter correctement les sons vocaux, tous ou presque tous les sons qui existent dans sa future langue : il en produit même beaucoup d’autres qui n’en font pas partie, et se plaît beaucoup à cet exercice. L’ordre dans lequel sont produits ces sons varie selon les enfants, mais il n’est nullement déterminé par le principe du moindre effort. Il dépend de plusieurs facteurs (cerveau, dents, dimensions de la langue, acuité auditive, motilité, etc.). Mais, plus tard, le moindre effort entre en ligne de compte, quand l’enfant commence à imiter les sons et cherche à parler avec intention. Les acquisitions des mouvements musculaires compliqués, exigeant un effort de volonté considérable, les combinaisons d’effets viennent en dernier lieu. L’hérédité n’y joue aucun rôle : chaque enfant peut apprendre n’importe quelle langue, et très bien, à condition qu’il l’entende parler de bonne heure. La plasticité de l’appareil du langage est considérable durant la première enfance.

Je n’insiste pas sur les lacunes trop évidentes et sur quelques jugements trop sommaires que j’ai pu remarquer dans l’appendice, très plein et très utile à consulter, que M. Preyer a ajouté à ses propres recherches sur le langage. Les lecteurs français seront heureux d’y faire connaissance avec une foule d’observateurs de l’enfant qu’a séduits ce genre d’études, auxquels MM. Darwin et Pollock, en Angleterre, MM. Taine et Egger, en France, se sont appliqués avec tant de succès. Je m’étonne et je regrette que les notes de M. Pollock publiées dans Mind, et le mémoire si bien accueilli de M. Egger soient demeurés inconnus à M. Preyer. Je lui aurais su gré aussi d’avoir rendu pleine justice à M. Taine, qui a émis avant lui, magistralement, sur le même sujet, des opinions analogues aux siennes.

VII

Un des plus difficiles objets de la psychologie expérimentale, c’est, d’abord, l’origine, et ensuite le développement du sentiment du moi. Je crois, avec M. Ribot, qu’il se confond, à l’origine, avec l’obscure, mais parfois énergique sensation ou conscience de l’organisme. Ce « sentiment de nous-même, spontané, naturel, qui existe chez tout individu sain », à la suite d’expériences et d’abstractions nombreuses, se transforme en « personnalité réfléchie ». Un des premiers pas vers cette fin a pour condition la distinction du moi et du non-moi.