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à saisir, à saisir l’objet fixé, il n’y a qu’un pas : ce pas une fois franchi, nous nous trouvons enfin en présence de l’acte volontaire de la préhension, les voies qui unissent le cérébro-sensorium au cérébro-motorium étant devenues enfin perméables. »

Nous voici en plein dans la genèse psycho-physiologique de la volonté. M. Preyer veut bien en constater les premiers rudiments, à propos d’actes relativement fort simples, dès le troisième ou le quatrième mois. Mais il me semble en reculer fort loin le développement sérieux. Il faut des années, dit-il, pour que l’acte de préhension « se perfectionne, et pour que l’inhibition en soit possible par des idées inculquées grâce à l’éducation. » Un enfant de deux ans est-il donc si maladroit dans une foule d’actes de préhension qu’il est inutile d’énumérer, et n’y a-t-il pas un assez grand nombre de cas où il les réprime ou modère ? M. Preyer ajoute : « La plupart des inhibitions volontaires et le premier acte de domination de soi-même se produisent à une époque en dehors du cadre de la présente étude. » J’admets que le plein exercice de la volonté exige une concentration d’attention qui est très faible et très rare chez le jeune enfant. Mais si courte et si fugitive soit-elle, elle ne diffère pas qualitativement de celle de l’adulte. Elle n’en fait pas moins son œuvre en petit.

M. Preyer traite avec un égal intérêt et une rigoureuse précision, dans l’ordre des mouvements instinctifs, des actes de sucer, mordre, mastiquer, grincer des dents, lécher ; il nous fait voir comment l’enfant apprend à tenir sa tête, à s’asseoir, à se tenir debout, à marcher. Il étudie, avec une grande richesse d’observations complétant celles de Darwin, le premier sourire et le rire, la protrusion des lèvres, le baiser, les cris accompagnés de pleurs, le froncement du front, les signes d’affirmation et de dénégation de la tête, le haussement d’épaules, les actes de demander et de désigner avec les mains, en un mot, tous les mouvements imitatifs ou expressifs qui amènent le développement de la volonté, et que la volonté perfectionne ou dont elle règle l’usage.

Dans cette exubérante profusion de faits, l’analyse perd ses droits ; il faut se rattacher, çà et là, aux inductions les plus générales. Les mouvements imitatifs peuvent s’accomplir indépendamment de la volonté, mais ils prouvent que le cerveau fonctionne : l’enfant qui imite peut vouloir. À la fin de la première année, les mouvements imitatifs sont plus nombreux, plus rapides, plus adroits. Ils le sont d’autant plus qu’ils sont moins compliqués, qu’ils exigent moins d’associations établies entre eux et certaines impressions auditives ou visuelles. Ils sont aussi moins longs et plus aisés à se produire, quand on les laisse à la spontanéité de l’enfant. Le ressort principal