Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/600

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
590
revue philosophique

reconnu l’ombre de son père, dont il avait eu peur d’abord, com me étant une image, car il cria joyeusement « papa » en la montrant. » À un âge plus avancé, le fils de Preyer « appelait encore un carré, une fenêtre ; un triangle, un toit ; un cercle, un anneau ; et quatre points, de petits oiseaux. »

L’ouïe du nouveau-né est si imparfaite, qu’il peut être considéré comme sourd. M. Preyer en donne toutes les raisons physiologiques. Si l’enfant ne reste pas longtemps sourd, « il est très utile pour lui qu’il soit un peu dur d’oreille pendant quelque temps, car cette surdité relative s’oppose à la production d’un trop grand nombre de réflexes et à la tendance à l’invasion de convulsions. » Les premières sensations auditives ne sont pas aisées à noter. Cependant, à la fin de la première semaine, on peut considérer comme des signes de réaction à des impressions auditives un clignement d’œil automatique et bientôt un tressaillement. L’enfant, dès le premier mois, perçoit une foule de sons ; il perçoit la direction du son dès le deuxième et le troisième mois.

Preyer rapporte « au trois cent dix-neuvième jour une expérience remarquable dans le domaine de l’audition, et qui témoigne d’un important progrès intellectuel. L’enfant était occupé à frapper une assiette avec une cuiller : il arriva par hasard qu’il se mit à tenir l’assiette avec la main libre : le son aussitôt s’assourdit, et cette différence le frappa. Il prit alors la cuiller de l’autre main, en frappa l’assiette, assourdit de nouveau le son, et continua ainsi. Le soir, l’expérience fut recommencée avec le même résultat. Évidemment la notion de causalité était nettement présente, puisqu’elle suffisait à faire renouveler l’expérience. L’assourdissement par la main était-il dû à la main ou à l’assiette ? Mais l’une et l’autre main exerçaient la même influence : celle-ci n’était donc pas inhérente à une main seule. C’est ainsi que l’enfant doit avoir raisonné ses sensations auditives, et ceci se passait à une époque où il ne connaissait pas un mot du langage de l’adulte. » (p. 70). N’y a-t-il pas ici une double erreur, de fait et d’interprétation ? Nous voici en présence d’un enfant qui est excité par une première expérience à agir de manière à produire un son plus doux que celui qu’il produisait tout d’abord ; le contraire serait, a priori, plus vraisemblable. Mais le fait étant donné, on peut lui chercher une cause bien plus simple que celle qui vint à l’esprit du père : l’enfant peut être amené à renouveler l’expérience par le plaisir de sentir des coups répercutés sur sa main, et de faire œuvre sonore avec ses deux bras à la fois, en un mot, par le sentiment d’un plus grand développement d’énergie. Ce ne sont toujours là que des impressions sonores associées à des