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B. PEREZ.l’âme de l’embryon, etc.

l’opinion de Berkeley, adoptée par J.-S. Mill. On sait que la théorie le plus en crédit aujourd’hui, chez les psychologues et les physiologistes, sur le sentiment de la distance, c’est qu’il est une synthèse des perceptions tactiles, des perceptions visuelles, et des sensations musculaires de l’œil. Le silence de M. Preyer sur cette doctrine, recommandée par le nom de son illustre compatriote M. Wundt, nous paraît surprenant. Quoi qu’il en soit, l’insuccès fréquent des enfants pour saisir un objet ou le tendre à quelqu’un montre combien l’évaluation des distances est encore imparfaite, même à la quatre-vingt-seizième semaine.

Ce qu’il importe surtout de retenir, c’est que la question de la portée de l’œil chez l’enfant n’est pas encore résolue. D’après Jäger, se basant sur des recherches ophtalmoscopiques et anatomiques, l’œil est mieux adapté dans les premiers temps pour voir de près : plus tard (mais encore dans les premières années), il est mieux adapté à la vision à longue portée. Les expériences faites par Ely à l’aide de l’atropine l’ont amené à croire que l’emmétropie, la myopie et la presbytie sont innées, et que cette dernière prédomine. Kœnigstein estime que l’œil de l’enfant est exclusivement approprié à la vision à longue portée. M. Preyer appelle de nouvelles observations sur cette question dont nous croyons devoir signaler, après lui, l’importance au point de vue pédagogique. « Il ne saurait, dit-il, être indifférent pour tout le développement psychique d’un enfant que la vision nette, pendant les premières années, n’existe que pour les objets rapprochés, ou s’étende encore à ceux qui sont éloignés ; mais il n’est pas encore possible de faire la part de cette influence. Il est cependant un fait que je puis certifier, c’est qu’en occupant longtemps de jeunes enfants à des travaux fins tels que ceux qui consistent à piquer du papier, à poser des fils et à les passer, quoique ces travaux soient chaudement préconisés dans les Kindergarten d’Allemagne, et que de nombreuses heures leur soient consacrées chaque jour, on doit causer du préjudice à leurs yeux. Le fait de regarder à très petite distance, d’une façon soutenue, et avec effort, est certainement nuisible aux enfants de trois à six ans, si bon que puisse être l’éclairage. »

L’interprétation des objets vus est très lente à se faire chez l’enfant. M. Preyer en donne quelques preuves à propos d’actes intéressant l’enfant, de l’usage de divers objets, et de l’appréciation des images. Cette dernière paraît en retard sur la compréhension des actes et de l’usage des objets. Ainsi, « le fils de Sigismund interprétait, à la fin de sa deuxième année, un cercle, comme une assiette ; un carré, comme un bonbon, et au vingt et unième mois, il avait