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B. PEREZ.l’âme de l’embryon, etc.

sur le développement psychique des trois premières années de son fils. L’auteur fait appel à tous les observateurs allemands qui l’ont précédé, et à deux ou trois étrangers, soit pour vérifier leurs témoignages, soit pour confirmer les siens propres. En somme, et déduction faite des développements très abondants de physiologie et de psychologie animale, le journal de M. Preyer tient une bonne partie de ce compact volume. On peut l’évaluer à plus du tiers. C’est le recueil le plus complet, sous certains rapports, que la psychologie infantile ait encore produit.

M. Preyer étudie successivement le développement des sens, les premières sensations et émotions organiques, le développement de la volonté ou des mouvements volontaires, les progrès de l’intelligence indépendamment du langage, l’acquisition du langage, et enfin le développement du sentiment du moi. Passons en revue, en appuyant sur les points qui nous ont le plus frappé, ce vaste ensemble de faits et de réflexions psychologiques et physiologiques.

Les chapitres les plus importants de la psychogenèse des sens sont ceux qui ont trait au développement de la vue et de l’ouïe.

L’étude relative au premier de ces sens se rapporte à la perception de la lumière, à la distinction des couleurs, aux mouvements des paupières et des yeux, à la direction du regard, à la vue à courte et longue portée, à l’interprétation des objets vus.

Pendant les premières semaines, l’enfant ne voit pas, au sens propre du mot. Il distingue seulement le clair et l’obscur, lorsqu’une partie de son champ visuel se trouve illuminée ou dans l’obscurité. La distinction des couleurs est très imparfaite, et se réduit peut-être à la perception des différences de l’intensité lumineuse. Il est, tout au moins, fort malaisé de savoir à quelle époque l’enfant est capable de faire cette distinction. Il a dû nécessairement distinguer les principales couleurs longtemps avant de pouvoir les indiquer en entendant leurs noms. M. Preyer a fait, à partir de la fin de la deuxième année de son fils, plusieurs centaines d’expériences en vue de déterminer les dates précises où la désignation et la distinction des couleurs vont de pair. Il en résulte que le jaune et le rouge sont les premières couleurs correctement désignées, ainsi que les différentes intensités lumineuses correspondant au blanc, au noir et au gris ; le vert et le bleu, que l’enfant doit confondre avec le gris, ne sont désignés que beaucoup plus tard. Pour toutes ces expériences, M. Preyer avait employé les ovales colorés du docteur H. Magnus. Il avait déjà entrepris, avec des jetons de même forme, mais de couleurs différentes, des expériences systématiques sur ce point, au vingt et unième mois de l’enfant. Elles restèrent sans résultat, peut-être à cause de la