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B. PEREZ.l’âme de l’embryon, etc.

pour la dernière période de la gestation, un riche ensemble de facultés aptes à entrer déjà en exercice. Or, il est permis de se demander si l’expérimentation sur le fœtus, par la pression et l’acuponction, est la seule qu’on puisse faire, même en l’état actuel de la science. La psychologie comparée de l’embryon entre à peine dans sa phase d’organisation, et les observateurs tels que M. Preyer sont capables de lui donner une vigoureuse impulsion. Peut-être arrivera-t-on sans peine à noter, longtemps avant l’époque où on les a déjà constatées, des manifestations aussi certaines de sensibilité que de motilité dans l’œuf animal et le fœtus humain. Et puis, où quand commence la sensibilité ?

Pour le moment, estimons-nous heureux, sinon satisfaits encore, des quelques résultats acquis par M. Preyer à ces intéressantes recherches d’embryologie psychologique. L’existence de l’embryon, nous dit-il, est analogue à celle d’un sommeil sans rêve. Il en est à peine tiré par les vagues et rares sensations que lui permet d’éprouver l’imperfection de son appareil nerveux terminal soit à la périphérie, soit au centre. Mais ces sensations, tout accidentelles, dues le plus souvent à l’influence d’excitations inadéquates, ne doivent pas être tout à fait perdues pour le développement futur.

À défaut de la sensibilité proprement dite, l’excitabilité de la peau existe très tôt chez l’embryon. L’embryon d’une femelle de cobaye en état de gestation très avancée communique des oscillations parfois très rapides à la tête de l’aiguille avec laquelle on le pique ; la pression faite avec le pouce et l’index produit de nombreux mouvements de répulsion ; extraits de l’utérus, des embryons de lapins, également proches du terme, répondent par des mouvements incoordonnés, mais vigoureux, à de fortes excitations électriques, traumatiques, chimiques ou thermiques. — Parmi les sens liés au développement complet des nerfs cérébraux sensoriels, celui du goût est le premier manifeste. Un anencéphale humain (expérience de Küstner) distinguait le doux de l’acide, ce qui prouve, d’ailleurs, que le cerveau n’est pas indispensable à la production du réflexe du goût ; les cobayes, nés prématurément, distinguent aussi le doux des autres sensations gustatives ; il en est ainsi des enfants nés avant terme. Mais l’occasion d’éprouver une véritable sensation de goût peut-elle survenir dans l’utérus ? Difficilement, selon M. Preyer. Les changements qualitatifs et quantitatifs de l’eau de l’amnios se produisent avec une trop grande lenteur, pour que leur déglutition excite fortement l’enfant. Les sensations de goût qu’il peut éprouver seraient très faibles, et dues aux matières d’une saveur alcaline, salée, et à l’addition d’un peu d’urine fœtale, douce-amère et acidulée, que contient l’eau de l’am-