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devraient, à mon humble avis, profiter de l’exemple qui leur est donné par les pédagogues de Boston. Limitez-vous, leur dirai-je. Bien qu’impatients de généraliser les résultats de vos recherches et d’en faire aussitôt bénéficier la psychologie scientifique, cantonnez-vous dans un département très circonscrit du sujet. Par exemple, de soigneuses monographies de la mémoire, de l’attention, de l’imagination, de la sensibilité affective, de la moralité, etc., étudiées chez un enfant ou des groupes d’enfants, ne réuniraient-elles pas très utilement les avantages du journal individuel et ceux de la monographie d’un genre ? On pourrait étudier ainsi à part, chez les deux sexes, chez les petits enfants et chez les adolescents, toute la série de ce qu’on a appelé les facultés et les sous-facultés humaines, en un mot, tout le développement psychologique de l’enfance[1].

Les deux livres de M. Preyer que je me suis proposé d’apprécier ici, et surtout le second, seront très utiles à consulter pour les futurs auteurs de monographies psychologiques. Ils ne sont, ni l’un ni l’autre, des modèles du genre, qui est encore à créer ; mais le second en donne çà et là des échantillons intéressants.

II

L’étude des mouvements, qui tient tant de place dans la psychologie générale, quand elle sera plus avancée pour l’embryon, sera d’un grand intérêt pour les philosophes. Il est vrai que le cerveau, le cervelet, et même la moelle allongée, ne paraissent pas nécessaires à leur production primitive ; mais ils le seront plus tard. M. Preyer étudie avec soin ces manifestations de la motilité, antérieures, dit-il, à la sensibilité, et qui viennent ou non à la suite d’une excitation externe. Nous touchons ici au problème absolument obscur de la nature et des origines de la conscience. C’est pourquoi cette affirmation : « la motilité apparaît régulièrement plus tôt que la sensibilité », me paraît quelque peu téméraire. L’isolement de l’œuf dans son milieu interne rend les influences du monde extérieur sur lui minimes, cela est évident ; mais n’oublions pas que cet isolement n’est que relatif, qu’il y a communication indirecte par le milieu interne avec le milieu externe, et qu’il ne faut pas préjuger de la sensibilité initiale par le peu que nous savons du développement ultérieur. Les expériences directes, soit sur l’embryon enfermé, soit sur l’embryon prématurément venu au jour, indiquent, tout au moins

  1. Je m’essaye, pour ma modeste part, à une monographie de ce genre, dans une étude que je publierai prochainement sous ce titre : Le sens du beau chez la petite fille.