Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
49
V. BROCHARD.la méthode expérimentale

Sur ce personnage plus oublié peut-être qu’il ne le mérite, nous ne savons que peu de chose. Il vécut, suivant Sprengel[1], vers 81 après J.-C. ; suivant Daremberg[2], vers 90-120 ; la date la plus probable est celle qu’indique Haas[3] 150 ap. J.-C. Il avait composé plusieurs ouvrages, onze livres[4] dédiés à un certain Sévérus, probablement aussi une réfutation d’Asclépiade[5]. Galien, qui le cite et l’attaque souvent, et l’injurie quelquefois[6], nons montre par là même qu’il tenait une grande place parmi les savants de son temps. C’était, s’il faut en croire son adversaire, un assez triste personnage, qui ne voyait dans la médecine qu’un moyen d’arriver à la fortune et à la gloire[7]. Il paraît aussi qu’il n’épargnait pas les injures à ses adversaires, et qu’il les décorait volontiers des épithètes les plus désobligeantes[8].

Quoi qu’il en soit, il est incontestable que Ménodote a eu au plus haut degré ce que nous appelons aujourd’hui l’esprit scientifique. Il serait téméraire de prononcer à propos de lui le nom de Stuart Mill ; du moins ses travaux nous sont trop peu connus pour qu’un tel rapprochement puisse être sérieusement tenté. Il est certain pourtant que son œuvre fut analogue et inspirée du même esprit. Il n’est pas sans intérêt non plus de remarquer que celui des Anciens qui a le mieux connu la véritable méthode des sciences de la nature fut un philosophe sceptique.

Victor Brochard.

  1. Versuch einer pragmat. Geschichte der Arzneikunde. Halle, Gebauer, 1800.
  2. Hist. de la Médecine. Paris, 1870, t.  I, p. 160.
  3. De Philos. sceptic. Successionibus, Wurtzbourg, 1875, p. 89.
  4. Gal., V. xix, p. 38.
  5. Gal., V. ii, p. 52. — Cf. Subf. emp., p. 64.
  6. Gal., V. xi, p. 277.
  7. Gal., V. v, p. 751.
  8. Subf. emp., p. 63.