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diatement pour point de départ l’action exercée par un objet sur notre organisme. Quand elle reparaît dans la conscience pour déterminer un acte, c’est dans l’impression antérieure qu’il faut chercher la vraie cause de l’acte. L’objet peut être d’ailleurs proche ou éloigné, présent ou absent ; il peut avoir disparu, et si l’on tient compte de l’hérédité, il peut avoir cessé d’exister depuis des siècles, n’importe ; il agit encore par l’intermédiaire de l’idée. Traduit dans le déterminisme mécaniste, ce fait signifie que l’acte a été produit par un mouvement du cerveau qui ne dépend pas (au moins exclusivement) des mouvements des autres parties du corps, ni des mouvements extérieurs environnants, mais d’un mouvement extérieur effectué dans un temps qui peut être infiniment reculé. On croirait peut-être trouver une détermination semblable dans les machines de notre industrie, par exemple dans une horloge dont les aiguilles reproduisent le mouvement du soleil. Mais les machines, précisément parce qu’elles sont l’œuvre de notre industrie, réalisent des idées et retiennent comme principe de leurs mouvements la finalité qui est dans nos actes. Le mouvement d’une machine n’est rien autre chose, au fond, que le mouvement de nos doigts prolongé[1]. Pour concevoir un équivalent matériel de la motivation, il faudrait imaginer une horloge naturelle dont les rouages auraient été façonnés peu à peu par la rotation de la terre sur son axe, de manière à en conserver le mouvement et à en reproduire sur une échelle différente les phases successives. Tel serait en effet l’exemple et comme le schème de l’action vitale dans la conception mécaniste.

Mais toutes les idées ne répondent pas à des objets perçus. Il y en a, et ce sont les plus importantes, qui correspondent à des objets que nous ne pouvons pas percevoir et dont l’infinité dépasse de toutes parts nos impressions si bornées. Les idées morales, par exemple, expriment tout d’abord les conditions les plus générales et les plus stables de la vie sociale ; elles expriment encore certaines conditions plus générales de l’accord des sociétés humaines avec le monde, avec cette partie du monde qu’elles habitent ; on ne peut même contester qu’en certaines consciences elles ont été comprises et acceptées comme exprimant l’accord de l’humanité avec l’Être universel. Or ces idées contribuent, en une certaine mesure, à un certain degré, à déterminer nos résolutions. Comment interpréter ce fait dans le mécanisme ? Il

    sions à celles de Lange, et, sans condamner la thèse matérialiste, montrent que le développement logique en est infiniment plus difficile que Lange ne le supposait.

  1. La vieille comparaison qui assimile les objets naturels et le monde lui-même à une machine est en réalité la plus simple et la plus parfaite expression de la croyance eu un Dieu créateur.