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ANALYSES.gilles de la tourette. L’hypnotisme, etc.

saires. Il tient à distinguer les expériences théoriques des expériences pratiques. « Tout cela, dit-il, est simple dans un laboratoire, où les poignards sont en carton, et où les pistolets ne partent que dans l’imagination du sujet. » Lui-même ne s’est-il pas laissé abuser par des considérations purement théoriques, par des réflexions fites dans le silence du cabinet, quand il essaye d’établir une ligne de démarcation entre les choses qui sont pratiques et celles qui ne le sont pas ?

Voyons maintenant ce que doit être une expertise médico-légale en matière d’hypnotisme et dans les états analogues. Une première question domine toutes les autres. Quels sont les sujets hypnotisables ? Nous sommes ici en présence de deux opinions. Les uns croient qu’une prédisposition névropathique est nécessaire à l’hypnotisation. D’autres pensent qu’on peut hypnotiser tout le monde, même des sujets sains. L’auteur remarque que ceux qui soutiennent cette opinion prennent pour critérium unique de l’hystérie la crise convulsive antérieure ; pas de crise, pas d’hystérie. Ils négligent complètement de rechercher les stigmates permanents de l’affection amblyopie, diplopie monoculaire, anesthésies locales, etc. L’examen des livres des auteurs anciens prouve qu’ils étaient convaincus que leurs meilleurs sujets jouissaient d’un tempérament nerveux. De plus, ce sont toujours les hystériques dont les tribunaux ont eu à s’occuper lorsqu’il s’est agi de la mise en œuvre de l’hypnotisme dans un but délictueux ou criminel (p. 63).

La seconde question, la plus importante à coup sûr, qui se pose pour le médecin-légiste, est celle de la preuve. M. Gilles de la Tourette montre, et ici encore nous sommes tout à fait de son avis, que la question médico-légale est une question de clinique ; le patient qui allègue une hypnotisation pour sa défense ne doit pas se contenter de dire : « J’ai été endormi, » il faut que la preuve de l’hypnotisme soit faite. Cette preuve, dit M. Gilles de la Tourette, réside tout entière dans les contractures spéciales aux divers états, découvertes par M. Charcot. L’expert doit donc examiner lui-même le sujet, le soumettre à une épreuve directe, et ne pas imiter l’exemple de M. Ladame, qui a donné un avis motivé uniquement sur la lecture du dossier, sans avoir au préalable examiné le sujet.

Nous avouons qu’après avoir lu ces pages, nous ne nous expliquons pas l’admiration de M. Gilles de la Tourette pour le rapport médico-légal de M. Brouardel sur l’affaire du dentiste Lévy, à laquelle nous avons fait allusion plus haut. M. Brouardel se contenta d’observer que la jeune fille, victime de l’attentat, s’endormait facilement lorsqu’on lui faisait regarder fixement un objet ; mais il ne chercha aucun des signes physiques permettant de mettre l’authenticité de ce sommeil hors de doute ; on peut même dire que si le dentiste Lévy n’avait pas avoué lui-même l’attentat, le rapport de M. Brouardel n’aurait pas suffi pour le faire condamner.

M. Gilles de la Tourette examine encore plusieurs autres questions sur lesquelles nous sommes obligés de passer. Il s’élève avec justice