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J.-M. Charcot et P. Richer. Les démoniaques dans l’art : in-4o avec 67 fig.  Paris, Delahaye et Lecrosnier, XII-115 pages.

Ce livre peut être considéré comme le complément des Études cliniques sur la grande hystérie dont nous avons rendu compte ici (tom XI, p. 436, et tome XX, p. 533), d’après les deux éditions parues en 1881 et en 1885. À la fin de cette dernière édition, M. P. Richer publiait un appendice consacré à l’hystérie dans l’art, qui était comme l’esquisse du présent volume.

Les auteurs se sont proposé de montrer la place que les accidents de la névrose hystérique ont prise dans l’art, alors qu’ils étaient considérés non point comme une maladie, mais comme une perversion de l’âme due à la présence du démon et à ses agissements. Cette maladie, dont l’étude raisonnée est relativement de date récente, n’en est pas moins une affection fort ancienne. Elle ne saurait être considérée, ainsi qu’on s’est plu souvent à le répéter dans ces derniers temps, sous toutes les formes, comme la maladie spéciale de notre siècle ». L’antiquité gréco-romaine, dont on connaît la répugnance pour les spectacles tristes ou effrayants, ne nous a laissé dans ses œuvres figurées aucune représentation de cet état convulsif qui fut appelé plus tard la possession. Mais, au moyen âge, les documents ne sont pas rares. « Non seulement l’histoire nous a conservé de longs et minutieux procès-verbaux, mais les possessions démoniaques sont décrites avec non moins de force et de vivacité dans les œuvres d’art, et ces documents confirment pleinement les preuves que fournit l’histoire écrite ».

C’est donc une étude de médecine rétrospective, comme en ont fait Calmeil, Littré et d’autres, que les auteurs se sont proposée ; seulement celle-ci est faite d’après les documents figurés, auxquels personne, sauf Ch. Bell, n’avait pensé à recourir.

Depuis longtemps M. Charcot et ses collaborateurs rassemblaient patiemment les éléments de ce travail, puisant à toutes les sources, mettant à contribution tous les moyens d’informations : voyages, musées, collections particulières, photographies, moulages. Ils font appel à tous ceux qui, prenant intérêt à ces études, voudront bien communiquer de nouveaux documents.

Les premières représentations de démoniaques datent du ve ou du vie siècle de l’ère chrétienne, et l’ouvrage débute par le fac-simile d’une mosaïque de Ravenne ; elle n’a guère d’autre intérêt que son ancienneté, et il ne faut rien chercher qui y ressemble à une observation de la nature. C’est dans une miniature d’Aix-la-Chapelle (xie siècle) que se rencontrent pour la première fois quelques caractères remarquables de réalité. Mentionnons une gravure d’après un artiste inconnu de Sienne (fin du xve siècle) avec les globes oculaires convulsés, les sourcils contractes, la bouche grande ouverte, etc. ; une fresque du palais public de la même ville (même époque) où les auteurs trouvent les marques d’une grande sincérité. — Le jeune possédé de la Transfiguration de Raphaël est très vivement critique. Ces pages seront lues avec intérêt par tous