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Prenons donc ces livres pour ce qu’ils sont et ce qu’ils veulent être, pour des livres de morale générale, où le droit a la place d’honneur, mais où il ne règne pas seul et où il n’a peut-être pas la plus large part.

II

J’ai signalé déjà l’insuffisance de la théorie générale du droit, à laquelle se rattachent toutes ces études. « Le droit, dit M. Franck, est constitué par un seul fait, à savoir la liberté ; il est gouverné par une seule loi, la loi du devoir. Il peut être défini : la liberté consacrée et réglée par le devoir. » Qu’est-ce d’abord que la liberté ? Suivant M. Frank, c’est, avant tout, le libre arbitre. Beaucoup objecteront que le libre arbitre est entouré de trop d’obscurités pour que le droit puisse y trouver un fondement indiscutable. Je dirai seulement que le libre arbitre est tout intérieur et qu’il faut quelque chose d’extérieur pour donner naissance à un droit. Ce n’est pas en effet le libre arbitre, la liberté en puissance, c’est la liberté en acte, la liberté se manifestant au dehors, qui seule a pu prendre place parmi les droits naturels ou légaux. Mais tout exercice de la liberté n’est pas un droit ; il faut, dit M. Franck, que la liberté soit « consacrée et réglée par le devoir. » N’y a-t-il donc de droit que dans l’accomplissement du devoir ? C’est la thèse de la liberté du bien ; ce n’est pas, nous le savons, la thèse de M. Franck. On peut se maintenir dans son droit ; on peut rester juridiquement respectable, en manquant à son devoir. Le gouvernement de la liberté par le devoir ne suffit donc pas pour définir le droit.

J’ajoute que la liberté est sans doute la forme la plus importante et la plus précieuse du droit, mais qu’elle n’en est pas la forme exclusive. Le droit, dans une théorie complète, n’est pas seulement un titre pour faire librement, mais aussi pour obtenir quelque chose. M. Franck n’a pas méconnu cette nouvelle sphère du droit. L’héritage, tel qu’il l’entend et le justifie, d’après notre Code civil, n’est pas une pure question de liberté. Il a pu y avoir, de la part du propriétaire défunt, acte de liberté dans ses dispositions testamentaires ; mais il n’est plus la pour en réclamer et pour en assurer l’exécution. Ce sont d’autres personnes qui, soit en vertu de ces dispositions, soit en dehors de tout testament et parfois même contre la volonté suprême du mort, ont le droit de recevoir tout ou partie des biens qu’il a laissés. M. Franck reconnaît ce droit ; il le défend par des arguments excellents ; mais aucun de ces arguments ne le fait dériver de la seule liberté, réglée ou non par le devoir.

Dans la Philosophie du droit pénal, M. Franck distingue deux espèces de droits : « ceux qui sont renfermés dans une mesure précise ou qui sont exigibles par la force, parce qu’ils sont absolument nécessaires à l’accomplissement des devoirs auxquels il correspondent ; ceux