Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
revue philosophique

II

Telle était la doctrine empirique au iie siècle de notre ère. Essayons maintenant de remonter aux origines, et, en déterminant les antécédents de cette doctrine, de marquer à quel moment et sous quelle influence elle a pris le caractère scientifique que nous venons de lui reconnaître.

Nous trouvons des idées analogues à celles qui viennent d’être résumées, d’abord, comme il est naturel, chez les anciens empiriques, puis chez les épicuriens. Il faut suivre ce double courant.

La secte empirique fut instituée, suivant Celse[1], par Sérapion d’Alexandrie, au milieu du IIIe siècle av. J.-C. ; suivant Galien[2], par Philinus de Cos, disciple d’Hérophile, qui vécut à Alexandrie sous Ptolémée, fils de Lagus (323-283). C’est en tout cas vers 230-250 que l’empirisme prit naissance.

Le médecin Glaucias[3] dans un livre intitulé le Trépied décrivit les trois procédés de l’expérience indiqués ci-dessus (αὐτοψία, ἱστορία, ἡ τοῦ ὁμοίου μετάβασις). De là probablement le titre du livre : la vérité paraît reposer sur trois pieds[4].

Nous n’avons pas de renseignements bien précis sur les autres empiriques, fort nombreux, qui se succédèrent dans l’intervalle de près de quatre siècles. Nous savons seulement que tous s’accordaient à dire que l’observation sensible est la seule source de nos connaissances, et qu’il faut proscrire la démonstration (ἀπόδειξις) au sens où l’entendaient les dogmatiques. Seul le raisonnement appelé épilogisme, et qui n’est autre que le passage du semblable au semblable, peut trouver place dans la science.

D’autre part, Épicure soutenait des idées analogues. Lui aussi considérait la sensation comme le point de départ unique de toute connaissance légitimne. Les quatre critériums de vérité qu’il reconnaissait[5] (αἰσθήσεις, προλήψεις, πάθη, φανταστικαὶ ἐπιβολαὶ τῆς διανοίας) ne différaient pas au fond des trois critériums admis par les empiriques. Les

  1. Præfat. medicipl.
  2. Subf. emp., p. 35. — Pseud. Gal., XIV, 683, éd. Kühn.
  3. Subf., p. 63. Il vivait vers 276 (Sprengel).
  4. Hirzel, Untersuch. zu Cicero’s Schriften, I, p. 133.
  5. Diog., X, 31. Sur la question de savoir si Épicure a admis le quatrième de ces critériums, voy. Hirzel, loc. cit., p. 185. Sur le sens de l’expression φανταστικαὶ ἐπιπολαὶ τῆς διανοίας, voy. Philippson, De Philodemi libro π. σημείων κ. σημειώσεων. Berlin, 1881, p. 12.