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supposer que le résultat est atteint indirectement par l’effet d’un raisonnement inconscient. Le sujet, sachant qu’il ne voit plus M. X… par exemple, conclut que M. X. n’existe pas ; ou encore, sachant qu’il n’entend pas le mot livre, il en conclut qu’il ne doit pas voir l’objet correspondant. Dans ces derniers temps, des auteurs ont beaucoup insisté sur le rôle des raisonnements inconscients chez les somnambules.

9. — Il est important de poser clairement cette question, car c’est d’elle que dépend la valeur des expériences hypnotiques, considérées comme une méthode de psychologie expérimentale.

Si l’on considère le sujet d’expérience, c’est-à-dire le somnambule, comme un automate physique et intellectuel, les expériences qu’on fera sur lui consisteront à l’impressionner d’une façon quelconque et à observer ensuite la réaction produite directement et isolément par cette impression. Ainsi, on place les bras du cataleptique dans l’attitude de la prière, et sa physionomie revêt une expression d’extase religieuse. On lui donne l’hallucination d’un carré rouge, et il éprouve consécutivement une sensation de vert. Dans ces cas, l’effet qu’on obtient est directement et isolément produit par l’action que l’observateur a exercée sur son sujet.

Supposons maintenant que le somnambule soit non un automate, mais une personne dont les sens et l’intelligence sont éveillés et même excités ; les choses ne se passeront plus avec la même simplicité. Quand on lui donnera une impression quelconque, physique ou morale, ce que l’on observera à la suite ce ne sera pas toujours l’effet direct de l’impression, ce sera parfois l’effet du raisonnement, du commentaire auquel le sujet se sera livré à propos de l’impression qu’il a subie. Dans ce cas, l’expérience hypnotique ne sera jamais une expérience simple ; à cause de ce retentissement de l’intelligence, elle sera aussi complexe que si elle était pratiquée sur une personne éveillée. Une malade en somnambulisme nous disait un jour : « Quand on fait une expérience sur moi, j’essaye toujours de me rendre compte de ce que l’on cherche. » Une autre fois, remise en somnambulisme après une expérience, elle nous dit naïvement : « Vous ai-je bien obéi ? »

Tous les sujets que j’ai observés en somnambulisme — je ne puis parler que de ceux-là — conservaient leur personnalité intellectuelle et morale. Ils me paraissaient même plus éveillés que pendant la veille ordinaire. Mais cet état psychique offre plus d’une variété. Quelques-uns se rendent compte de leur état. G… sait qu’elle est en somnambulisme ; elle le reconnaît à ce signe que sa mémoire est plus étendue que pendant la veille. D’autres, comme W…, ont un senti-