Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
revue philosophique

3o Enfin il y a des maladies que nous n’avons jamais observées et que nous ne connaissons pas par l’histoire. Il y a des remèdes dont on n’a pu vérifier directement l’efficacité. C’est ici qu’il faut recourir au passage du semblable au semblable (ἡ τοῦ ὁμοίου μετάβασις). Ce passage diffère de l’induction (ἐπαγωγή). L’induction rassemble plusieurs faits particuliers en une formule générale : quand on raisonne sur les ressemblances, Aristote[1] l’avait déjà dit, on n’obtient pas une formule générale qui enveloppe les cas particuliers. D’après les empiriques, il n’y a pas lieu de recourir à une formule ou loi générale : on affirme de certains faits ce qu’on a déjà observé ou connu historiquement de faits semblables. C’est à peu près ce que Stuart Mill a appelé de nos jours l’inférence du particulier au particulier.

Le passage du semblable au semblable se fait de diverses manières ; on peut considérer la ressemblance des parties du corps : le remède qui a réussi au bras pourra réussir à la jambe ; ou la ressemblance des maladies dans une même partie du corps : la diarrhée et la dysenterie seront traitées de la même manière. Ainsi encore à défaut d’un remède déterminé, qu’il n’est pas toujours facile de se procurer, on pourra essayer d’un remède semblable : il faut seulement tenir compte des différences en même temps que des ressemblances. L’expérience montre que les ressemblances de forme, de couleur, de dureté ou de mollesse assurent rarement la ressemblance des effets : il en est tout autrement de l’odeur et de la saveur, surtout si ces deux caractères sont réunis[2].

Mais les empiriques, du moins les empiriques de l’époque de Galien, ne se contentent pas de ces indications un peu vagues et générales. Ils insistent d’abord sur ce point que le passage du semblable au semblable ne repose sur aucun principe logique[3]. Ils ne disent pas, comme les dogmatiques, que le semblable doive produire le semblable, ou que le semblable ait besoin du semblable, ou que les semblables se comportent semblablement. Ils ne savent rien a priori ; ils ne font que suivre la nature. Seule l’expérience leur a appris qu’en des cas semblables des remèdes semblables ont réussi.

Pour bien marquer cette différence, et se distinguer des dogmatiques par les mots autant que par les choses, ils appellent le raisonnement qui va du semblable au semblable non pas analogisme,

  1. Arist., Top., VIII, i, 16 : — Cf. Alex. Aphrod. (Brand. S. Schol., p. 260, a. 79 sqq.)
  2. Subf., p. 55.
  3. Ibid., p. 54. — Cf. Therap. Meth. 7…, v. X, p. 126.