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A. BINET.intensité des images mentales

s’affaiblit. Quand l’opérateur a le soin de mettre pour ainsi dire l’hallucination sous clef, par exemple en gardant le carton sur lequel il a fait apparaître un portrait imaginaire, on peut être certain que l’hallucination vivra plus longtemps, car elle ne sera pas contestée.

L’affaiblissement de l’image par la résistance du sujet explique aussi dans une certaine mesure comment l’auto-suggestion réussit là où la suggestion simple vient d’échouer. Lorsqu’on adresse une suggestion à un sujet, il peut y résister pour plusieurs motifs, par exemple par esprit de contradiction ou parce qu’il est convaincu d’avance de l’impuissance de la suggestion. Si c’est lui, au contraire, qui arrive par raisonnement à se suggérer la même idée, il l’adoptera sans résistance, et elle sera plus intense, et partant plus efficace. J’ai eu la preuve de ce fait dans une observation que je citerai tout au long, car elle est intéressante à un autre point de vue. Je me proposais de rechercher si une suggestion somnambulique pouvait modifier l’état de catalepsie ; dans cet état, les suggestions par le sens musculaire sont extrêmement remarquables ; une attitude expressive donnée aux membres se réfléchit aussitôt sur la physionomie. Il y avait lieu de se demander si, par suggestion donnée à la malade pendant le somnambulisme, on pouvait supprimer la suggestion musculaire de la catalepsie. G… étant en somnambulisme, je l’avertis donc que je vais la mettre en catalepsie, et que dans cet état sa figure restera impassible, quels que soient les mouvements communiqués à ses mains. La malade, au lieu de se soumettre à l’injonction, soutient qu’elle ne pourra pas y obéir parce qu’elle perd conscience pendant la catalepsie ; après avoir lutté contre cette résistance morale et l’avoir en apparence vaincue, nous passons outre ; la catalepsie étant produite, nous essayons de donner des suggestions musculaires, et elles réussissent admirablement, comme si aucune suggestion contraire n’avait été donnée. L’échec était complet.

Nous plongeons de nouveau la malade en somnambulisme. G…, qui est très éveillée pendant son sommeil (qu’on nous permette l’accouplement de ces deux mots), nous demande spontanément si notre suggestion a réussi. Nous répondons qu’elle a eu un plein succès, et que, pendant sa catalepsie, sa physionomie est restée complètement inerte, malgré les attitudes expressives données à ses mains. La malade paraît très étonnée de notre affirmation, mais elle n’en doute pas. Alors nous avons l’idée de la remettre sur-le-champ en catalepsie et de refaire l’expérience. À notre grand étonnement, voici ce qu’il nous fut donné de constater : la face de la malade était inerte et inexpressive ; nous approchons ses mains du coin de sa bouche, dans l’acte d’envoyer un baiser ; la ligne de sa bouche reste