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du champ de l’esprit, on fait une sorte de comparaison grossière entre le champ de la conscience et le champ éclairé d’un microscope ou d’une lanterne magique. Mais il est clair que cette comparaison est purement littéraire comme tant d’autres dont on abuse en psychologie ; on compare la délibération à une balance, la passion à un torrent, la conscience à un œil intérieur, etc. Le danger de ces comparaisons est de laisser croire qu’elles renferment une explication. Dans notre cas spécial, il est certain que l’image ne ressemble pas à une préparation que l’on place dans le champ éclairé du microscope et qu’on retire ensuite. Si une image mentale cesse d’être visible, ce n’est pas à proprement parler qu’elle sorte de la conscience, c’est qu’elle devient inconsciente : elle change de nature sur place. Toute image résulte de l’excitation d’une cellule ou d’un plexus de cellules nerveuses ; quand l’image disparaît de l’esprit, il faut supposer qu’il se produit un changement dans l’état dynamique des cellules correspondantes ; elles cessent de vibrer ou elles vibrent autrement.

L’observation hypnotique montre le développement de ce phénomène. Lorsqu’on donne une suggestion d’hallucination à une hypnotique, il arrive fréquemment que le sujet résiste. Je dis un jour à un sujet endormi : « Regardez le chien qui est assis sur ce tapis. » Le sujet me répond : « Je vois bien que vous voulez m’halluciner ; comment un chien serait-il entré dans le laboratoire ? — Vous ne le voyez donc pas, ce chien ? — Si, je le vois dans mon imagination, mais je sais bien qu’il n’y en a pas sur le tapis. » On voit que la résistance du sujet affaiblit l’image qu’on lui suggère ; s’il ne résistait pas, il aurait une hallucination parfaite dans laquelle il croirait voir un chien en chair et en os ; mais par le seul fait qu’il lutte contre l’image hallucinatoire, cette image ne s’extériorise pas ; elle ne dépasse pas en intensité une image ordinaire, et le sujet n’en est pas la dupe.

On peut donc affirmer que le simple fait de ne pas croire à une chose quelconque affaiblit la représentation qu’on en a. C’est ce qu’un autre malade remarquait un jour. Comme il discutait une de mes suggestions au lieu d’y consentir, je lui imposai silence ; il me répondit aussitôt : « Je sais bien pourquoi vous ne voulez pas que je discute ; c’est que cela affaiblit la suggestion. »

On a remarqué que certaines hallucinations données aux sujets subsistent plus longtemps que d’autres ; cela tient à plusieurs causes, à la fixité de point de repère, à l’état mental du sujet, etc. Mais on a oublié une influence qui affaiblit beaucoup les suggestions ; l’hypnotique halluciné parle de son hallucination à ses amis ; il leur demande s’ils voient les choses comme lui ; si on se moque de lui, il est averti que ce qu’il voit est une hallucination, et dès lors cette hallucination