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A. BINET.intensité des images mentales

imprimée artificiellement au visage au moyen des électrodes se réfléchit sur l’attitude du corps. Ici, c’est l’association par contiguïté qui opère ; si on ferme le poing de la cataleptique, aussitôt son sourcil se fronce. Or, si au lieu de fermer le poing du sujet, l’opérateur lui montre son propre poing, comme il le faisait pendant la période écholalique, aucune suggestion ne se produit ; le sujet reste complètement impassible, l’association par ressemblance est brisée ; la vue du poing de l’opérateur ne rappelle pas à la malade, par ressemblance, l’image de son poing à elle ; rien ne se fait. Chez d’autres sujets, ces deux espèces de suggestions opèrent également. Mais nous avons cru qu’il était intéressant de constater que chez quelques malades il y a une période exclusive de suggestion par ressemblance et une période exclusive de suggestion par contiguïté.

Il y aurait lieu de rechercher, lorsqu’on considère l’association des idées comme une ligne de force, quelle est l’association la plus forte, celle par ressemblance ou celle par contiguïté. Heidenhain, qui a traité de l’association par ressemblance sous le nom d’automatisme d’imitation, le considère comme un automatisme du premier degré, plus simple que les cas d’association de mouvement par contiguïté, auxquels il réserve le nom d’automatisme du second degré. Il semble bien, en effet, que lorsqu’une idée éveille une idée semblable, la suggestion est plus directe que lorsqu’elle éveille une idée contiguë. Dans le dernier cas, remarque M. William James, l’association se fait entre des touts différents, et, dans le premier cas, elle se fait entre des fragments d’un même tout. L’association par contiguïté, pouvons-nous remarquer encore, suppose la mémoire d’une expérience antérieure ; l’association par ressemblance se crée instantanément au moment où elle se produit. Une expérience déjà publiée de M. Féré et de moi semble prouver que la ressemblance l’emporte sur la contiguïté comme cause d’excitation de l’image mentale on obtient d’un sujet une contraction dynamométrique beaucoup plus intense en lui disant d’imiter l’acte de serrer que l’on fait devant lui que si on lui donne simplement l’ordre de serrer de toutes ses forces.

Quoique ces faits puissent paraître convaincants, la question posée est très difficile à résoudre ; car la force de la suggestion par ressemblance dépend de la quantité de ressemblance, de même que la force de la suggestion par contiguïté dépend du nombre des répétitions ; or, on ne voit pas quelle commune mesure on pourrait prendre entre deux éléments aussi hétérogènes. Ce qu’il y aurait de mieux à faire serait de comparer l’influence d’une ressemblance maxima à l’influence d’une relation de contiguïté qui s’est répétée si souvent