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A. BINET.intensité des images mentales

de plus simple que ce phénomène ; il consiste dans l’éveil d’une idée à la suite d’une autre ; on prononce devant moi tel mot ; ce mot est le nom d’un objet connu : je pense à cet objet. Voilà le fait apparent et grossier, celui qui a frappé les premiers observateurs. Aristote le décrit longuement. Mais sous ce premier phénomène s’en cachent d’autres plus complexes. Les Anglais ont les premiers fait — un peu timidement — la remarque que l’association des idées exerce une grande influence sur le jugement ; Stuart Mill dit que nous avons une tendance à croire que les choses sont liées dans la réalité comme leurs images le sont dans notre esprit. Il y a donc dans ce phénomène quelque chose de plus qu’une succession d’images ; l’association produit une croyance, la croyance dans la réalité de cette association. À plusieurs reprises, j’ai déjà insisté sur ce fait psychologique, qui me paraît capital. Je crois être arrivé à démontrer, par des expériences hypnotiques, que nous avons une tendance à extérioriser une association d’images comme nous extériorisons une image isolée.

Ici, nous considérons ce même phénomène de l’association des idées à un autre point de vue que celui de la croyance qu’il engendre ; nous l’envisageons comme un phénomène de transmission de la force nerveuse. Nous venons de voir qu’il existe une sorte de solidarité entre les deux termes de l’association ; l’intensité du terme suggestif influe sur l’intensité du terme suggéré.

La comparaison que je fais pour expliquer ma pensée est grossière ; peut-être ma pensée l’est-elle aussi. C’est que le mécanisme de ces phénomènes est fort difficile à comprendre. On conçoit jusqu’à un certain point l’effet de la répétition du mot sur l’intensité de l’image suggérée. Si tel mot prononcé donne une image d’une certaine intensité, la répétition du même mot doit élever cette intensité d’un nombre quelconque de degrés : il y a ici un effet d’accumulation analogue à l’influence d’une augmentation de l’excitation extérieure sur l’intensité de la sensation. Mais on ne comprend pas aussi bien comment l’autorité de la personne qui parle, l’accent particulier qu’il donne à sa voix, et d’autres qualités purement psychiques augmentent l’intensité de l’image.

Parmi ces qualités purement psychiques, il faut signaler le rapport établi entre le magnétisé et le magnétiseur. Dans certains cas ce rapport est si étroit que le sujet ne reçoit de suggestions que du magnétiseur seul. Ce phénomène curieux d’électivité a certainement, à notre avis, un caractère sexuel, prouvé, dans certains cas, par le manège du sujet, par la façon dont il cherche son magnétiseur pour se presser contre lui. Tous les suje s, bien entendu, ne se conduisent