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L. n’existe pas davantage, mais Adrienne s’endort à son tour, ne parle plus, n’entend plus ou à peine et alors ne comprend pas le sens des paroles qu’elle répète. Elle n’existe plus que par la vue et le sens musculaire qui persistent et par lesquels on peut faire des suggestions spéciales. 6° Enfin des états de léthargie plus ou moins complets où Adrienne disparaît à son tour presque entièrement, et alors apparaît l’exagération spéciale des réflexes, lesquels sont peut-être accompagnés d’une conscience, que rien ne peut manifester. Ces divisions ont évidemment quelque chose d’artificiel, et la nature est bien plus complexe, aussi ne se retrouvent-elles pas exactement les mêmes chez toutes les somnambules. Mais il est cependant nécessaire de les établir, fût-ce provisoirement pour étudier un somnambulisme compliqué et surtout celui d’une hystérique. Le fait qui se dégage ici à travers ces divisions, c’est qu’il y a, comme toujours, une gradation dans la profondeur du sommeil et qu’à chaque degré différent correspondent des degrés différents de dissociation.

On voit qu’en cherchant à donner le langage à Adrienne, j’ai totalement supprimé L… ; il m’est arrivé quelque chose du même genre quand j’ai essayé d’enlever la sensibilité à Adrienne pour la rendre à la personne normale L… Il était intéressant de guérir une anesthésie tactile ancienne en suggérant précisément l’anesthésie au personnage artificiel qui semblait l’avoir ravie. Les expériences précédentes montrent que cela était possible. L’expérience échoua plusieurs fois, Adrienne perdait la sensibilité pour un instant, L… ne la retrouvait pas ; en insistant, j’obtins un demi-succès. L. sentait une piqûre pendant quelques instants après le réveil, puis redevenait insensible. Je répétais cependant cette même suggestion pendant chaque sommeil. Le dernier jour de ces recherches, quand j’examinai l’état du sujet avant de commencer une expérience, je vis que la sensibilité était rendue presque totalement à L… En somnambulisme, elle sentait fort bien ; à l’état de veille, elle souffrait des piqûres, distinguait à une distance de 40 mill. au poignet les deux pointes de l’esthésiomètre, mais reconnaissait mal les objets au toucher. C’était cependant plus qu’elle n’avait jamais su faire. Je voulus alors examiner Adrienne, mais quand je l’interpellai, il n’y eut aucune réponse, point d’écriture automatique, point de mouvements inconscients. Mes commandements à Adrienne n’étaient point entendus par L…, voilà tout, mais ils n’étaient pas exécutés. D’ailleurs on ne pouvait non plus rien suggérer à L… et il fut impossible d’approfondir le sommeil hypnotique qui d’ailleurs ne tarda pas à disparaître, et la

    léthargie, et que maintenant, lorsque l’état de mal hystérique est bien moindre, j’ai à peine obtenu un moment de catalepsie et jamais de léthargie.