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de cet état n’est pas facile à constater. Une personne qui n’aurait jamais endormi le médium le réveillerait de même ; pour étudier scientifiquement le spiritisme, il faudrait endormir d’abord le médium et étudier les caractères psychologiques de son somnambulisme, peut-être y retrouverait-on beaucoup des traits que j’ai signalés ici.

Cette seconde série d’expériences, malgré certaines difficultés, semble donc, elle aussi, avoir une certaine concordance. Non seulement, comme on l’a vu, Adrienne a conscience des idées enlevées à L… dans les anesthésies, mais encore elle n’a conscience que de celles-là. Tout phénomène psychologique qui, pour une raison quelconque, est associé à cette synthèse anormale de faits qui a nom Adrienne, est en même temps enlevé au groupe des idées qui forment le moi normal. Et l’on peut produire des anesthésies d’une manière indirecte faisant rentrer par suggestion positive des phénomènes dans la conscience d’Adrienne. L’anesthésie n’est alors que le côté négatif d’une vision positive et l’on ne peut s’empêcher de remarquer que ce n’est pas tout à fait à tort qu’elle a été désignée sous le nom d’hallucination négative. Sans doute il y a quelque chose d’artificiel dans ces formules qui résument des phénomènes extrêmement complexes et qui n’ont encore été observés que dans un petit nombre d’expériences. Certains phénomènes psychologiques très complexes peuvent se subdiviser de manière à paraître seulement affaiblis d’un côté ou de l’autre, l’automatisme et la suggestion ne sont peut-être que des résultats de ce rétrécissement du champ de la conscience. Mais à différents degrés, avec plus ou moins de netteté, la dissociation des phénomènes de conscience semble bien le caractère dominant des faits que nous avons constatés.

V

Quelles sont les limites de cette dissociation, c’est-à-dire quels sont les phénomènes que l’on ne peut pas subdiviser ou ceux que l’on ne peut pas faire passer d’une personne à l’autre ? C’est là une question importante à laquelle je ne puis encore répondre que d’une manière très incomplète. Un petit nombre d’expériences cependant semble se rapporter à ce problème.

Pendant le somnambulisme, je défends à L. de voir la couleur rouge ou je suggère à Adrienne de la voir, nous savons que le résultat sera le même. Au réveil, L… ne distingue plus le rouge et le prend pour du gris, Adrienne reconnaît la couleur rouge. Mais on sait que la couleur blanche est formée par des rayons rouges et des rayons vert bleuâtre, une personne dont la rétine fatiguée ne distingue pas