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P. L. Sechi : L’école positive et la critique historique. La métaphysique, suivant Villari, peut devenir une science en substituant la méthode historique à la méthode rationnelle. Mais l’histoire ne se fait pas ; elle s’écrit et varie suivant les temps et les écrivains. L’histoire des langues, de la littérature, de la philosophie, quoi qu’en pense Renan, n’en est pas la philosophie. Voyez l’usage que Spencer a fait des récits plus ou moins exacts des voyageurs pour transformer l’homme primitif en sauvage actuel, et induire ainsi la genèse des facultés intellectuelles. Quelle illusion de croire qu’on peut revivre ou refaire en pensée les époques antérieures ! Machiavel ne trouve pas dans Tite-Live ce que les modernes y ont vu. Taine vient en Italie enthousiaste de l’art italien, et il est tout surpris de se trouver froid devant les maîtres de la Renaissance ; mais il recourt à l’histoire, il réfléchit que le xve siècle est en adoration devant les manifestations de la force physique, et soudain l’homme physiologique de l’Intelligence prend une réalité historique. Taine se passionne pour l’art dit chrétien ; il proclame Raphaël un grand artiste : de madones ? non ; de mains, de pieds, de muscles, de chairs, de personnes des deux sexes. Les faits sont impersonnels ; l’histoire est une œuvre très personnelle, que chaque génération et chaque homme font suivant les exigences de leur idéal. La philosophie peut utiliser l’histoire, mais elle n’est pas l’histoire.

Pozzo di Mombello : Mécanisme ou fonction de la mémoire organique. La mémoire n’est pas une faculté purement mentale, c’est une fonction bilatérale qui tient à une substance matérielle, le corps. Elle n’est organiquement qu’une des formes de la conservation de l’énergie. Ce qui le prouve, à défaut de l’anatomie pathologique, encore si peu développée, c’est l’action sur l’organe cérébral des suggestions hypnotiques et des substances esthésiogènes, qui obligent la mémoire à être active alors qu’elle ne le voulait ni ne le pouvait. La suggestion hypnotique crée un état pathologique par nous excité et guéri. Elle met le cerveau en une condition morbide, dans une de ses localisations déterminées. Les organes centraux sensitifs avec leurs millions de cellules capables de garder des empreintes, des habitudes innombrables, sont par excellence des organes enregistreurs et ré-excitables. Le fait de mémoire n’est que l’impression chez eux renouvelée par une cause quelconque. L’excitation possible de la mémoire montre en elle un phénomène de l’organisme. Elle résulte de ses relations avec la conscience et spécialement avec la conscience du moi. La somme de ces relations constitue la personnalité. La personnalité est un ensemble de mémoires, chacun de nous ayant expérimenté que sa propre personnalité résulte des notions de tous les éléments du corps, de toutes les cellules. Par la maladie, les cellules corticales perdent, soit leur impressionnabilité, soit les empreintes déjà faites, et cela partiellement ou totalement dans ce cas, nous voyons s’évanouir la personnalité elle-même. Si la mémoire était une faculté mentale, cette perte de la personnalité serait inexplicable.