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REVUE GÉNÉRALE.marillier. La suggestion mentale, etc.

et la théorie qu’il propose pour l’explication des phénomènes qu’il étudie nous paraît presque la seule acceptable, si l’on admet leur réalité. MM. Gurney, Myers et Podmore ont, au prix d’un travail énorme, recueilli une masse considérable de faits et de documents, qui, à plus d’un titre, sont d’un haut intérêt et les ont classés avec un ordre et et une clarté admirables. Ce sont là des œuvres faites avec conscience, par des hommes qui connaissent à fond la question qu’ils traitent et qui n’ont rien négligé pour s’éclairer. Nous aimerions à pouvoir adresser les mêmes éloges au livre de M. Gibier. La partie expérimentale est fort courte, elle n’occupe que 57 pages sur plus de 400 ; elle consiste exclusivement dans la description d’expériences que M. Gibier a faites sur Slade, le fameux medium américain : elles ne se rapportent pas au reste à la suggestion mentale ; les seules dont M. Gibier se porte garant ont pour objet ce qu’on est convenu d’appeler l’écriture spontanée : un crayon est placé entre deux ardoises, le médium applique les mains sur les ardoises (sauf un seul cas où, paraît-il, Slade ne les aurait même pas touchées) et lorsqu’on les sépare l’une de l’autre, on trouve sur l’une d’elles plusieurs lignes d’écriture. Nous ne sommes pas à même de faire la critique de ces expériences, et nous sommes contraints de les accepter, telles qu’on nous les donne ; mais la légèreté, pour ne pas dire plus, qui se marque dans le long exposé historique que M. Gibier a placé dans son livre ; est faite pour nous mettre en défiance. La seconde partie n’est guère que la transcription d’une communication de Jobert de Lamballe à l’Académie des sciences (18 avril 1859), d’un article du Dr Dechambre paru à la Gazette hebdomadaire, et d’une brochure bien connue de M. W. Crookes, mais la première est un tissu d’erreurs historiques et d’affirmations sans preuves. M. Gibier en est encore à citer M. Jacolliot comme une autorité en ce qui touche l’histoire et la religion de l’Inde : il date sans hésiter des documents sanscrits de 58 000 ans avant le Christ, et s’appuie sur Ammien Marcellin, pour parler des Chaldéens. Il fait de la croyance à un Dieu en trois personnes et à l’immortalité de l’âme, la doctrine centrale du bouddhisme ! Il joint à tout cela des anecdotes amusantes, mais connues, sur M. Vacquerie et Mme de Gasparin, l’histoire des frères Davenport et des articles extraits des journaux spirites. Cet ensemble constitue-t-il un livre ? nous laissons aux lecteurs le soin d’en juger.

VI

Nous connaissons maintenant les faits, tenons un instant pour démontrée la suggestion mentale : quelle est la théorie qui nous permettra de nous en rendre compte ? De toutes celles qui ont été proposées une seule nous parait acceptable, celle de M. Ochorowicz. La voici brièvement exposée : M. Ochorowicz distingue trois états particuliers dans le sommeil somnambulique : un état aidéique, un état monoidéique, un état polyidéique. (La veille est un état polyidéique plus actif que