Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/426

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
416
revue philosophique

compte de cette excellente règle de critique psychologique qu’ils ont su très nettement formuler.

MM. Gurney et Myers (ce sont les auteurs véritables du livre, M. Podmore n’a fait que les aider à recueillir les faits) ont eu l’excellente idée de réunir dans un chapitre spécial des spécimens de tous les types de phénomènes qu’ils étudient[1]. Si l’on n’avait pas le loisir d’étudier en détail ces deux gros volumes, on pourrait prendre une idée très exacte et très suffisante de la question en le lisant. Les auteurs ont d’abord étudié les phénomènes qui sont les plus voisins de ceux que nous avons rapportés à propos de la transmission expérimentale de la pensée : ce sont des transmissions tout au moins apparentes, d’idées, d’images, d’émotions d’un individu à l’autre. Il faut observer que les cas les plus intéressants se rapportent à des personnes qui vivent ensemble ou qui sont étroitement liées et à des jumeaux. Ces faits ne sont cités ici (car, de l’avis de MM. Myers et Gurney, par eux-mêmes ils ne prouveraient rien) que parce qu’ils établissent la transition entre les faits obtenus expérimentalement et les hallucinations télépathiques proprement dites. Parmi les hallucinations « télépathiques » qu’ils rapportent, les plus nombreuses et de beaucoup sont celles qui sont liées à la mort d’un parent ou d’un ami : ce sont les plus fréquentes, paraît-il, et en tout cas ce sont celles où il est le plus facile de vérifier la coïncidence. Il faut les classer sous trois chefs principaux : les rêves, les hallucinations qui se produisent dans les états intermédiaires entre le sommeil et la veille (Borderland cases), les hallucinations pendant la veille.

Comme l’argumentation de MM. Gurney et Myers repose en grande partie sur l’extrême rareté des hallucinations chez les personnes qui ne sont atteintes d’aucun trouble mental, il est certain que les rêves ne peuvent lui donner qu’un très faible appui, et nous croyons qu’il serait bon de déduire du total de 357 cas que nous avons indiqués les 79 qui se rapportent à des rêves. Les rêves présentent ce très grand intérêt d’établir la transition entre l’image purement interne et la véritable hallucination, qui ne peut par aucun caractère intrinsèque se distinguer de la perception : ils forment ainsi un des chaînons de cette longue chaîne de phénomènes que les auteurs des Phantasms ont suivie patiemment anneau par anneau, mais comme preuves de la réalité de l’action mentale à distance, ils ne peuvent avoir qu’une très faible valeur. Outre la raison que nous en avons donnée plus haut, il est certain que le souvenir que nous avons de nos rêves est assez indéterminé pour qu’il se modifie suffisamment, pour coïncider avec les faits, une fois que nous les connaissons. Il est rare que nous puissions raconter au réveil notre rêve tel que nous l’avons rêvé, nous n’avons au reste aucun moyen de nous assurer de l’exactitude de nos souvenirs : même le récit d’un rêve écrit au réveil ne mérite qu’une confiance limitée, j’entends pour les détails.

  1. Ibid., ch.  V, pp. 186-229.