Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
348
revue philosophique

connaître ; elle donne naissance au principe de contradiction qui préside à tous les jugements logiques et à tous les raisonnements déductifs ; enfin, elle engendre les deux principes de causalité et de substance, qui président à tous les raisonnements inductifs, et confèrent un caractère apodictique et une certitude rationnelle aux généralisations de la science.

Mais la vertu principale de la norme de notre pensée est de nous élever au-dessus de l’illusion, de la déception (en prenant ce mot dans le sens actif, Taüschung) qui constitue la nature physique des choses de ce monde, en général, et de notre propre moi, en particulier.

III

Or c’est là le but que la philosophie doit se proposer : nous faire connaître la vraie nature des choses pour nous enseigner notre véritable destinée. Elle ne cherche pas la même vérité que la science. La science, qui cherche le vrai relativement aux corps, ne traite, en traitant des corps, que d’illusions et d’apparences. Sans reprendre ici les considérations de Descartes, qui n’attribuait une réalité au monde extérieur que pour sauver la véracité divine, ou les arguments des idéalistes, nous savons combien est superflue la supposition de corps réels situés en dehors de notre expérience. Ces corps n’auraient aucune part active dans la production de nos perceptions. Si l’on hésite quelquefois à ce sujet, c’est par suite de la confusion de pensées qui consiste à réclamer pour nos perceptions une vérité absolue tout en reconnaissant qu’elles renferment une illusion. Il faut cependant que les esprits philosophiques se familiarisent avec cette idée que notre physique n’est pas une métaphysique, que les corps de notre expérience ne sont pas des substances réelles, mais n’en ont que l’apparence. Il n’y a de philosophie qu’à ce prix. A-t-on au contraire reconnu ce fait, on comprend aisément pourquoi l’expérience nous présente des effets qui semblent procéder des corps et ne peuvent cependant s’expliquer par la nature des corps. Les corps n’étant que de pures conceptions de notre propre pensée ne peuvent avoir de secrets pour nous. S’il y a des objets extérieurs réels, nous n’en pouvons rien savoir, nous n’avons par suite aucune raison, aucune possibilité de nous en occuper, et la supposition qu’il y en a ne peut que nuire à la connaissance vraie des choses, à la constatation des faits.

On admet, il est vrai, depuis longtemps, que notre expérience extérieure n’a qu’une vérité relative. Mais que signifie cette expression ?