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ANALYSES. — h. maudsley. Natural causes

de tous les phénomènes. Les explications proposées peuvent certainement s’appliquer à un nombre considérable de phénomènes, elles ne peuvent suffire à les expliquer tous. Les phénomènes observés sont de qualité très diverse et varient depuis le mouvement imprimé à des objets matériels, jusqu’aux apparitions, à l’écriture inconsciente, et aux manifestations coordonnées de divers appareils. Un certain nombre de faits paraissent avérés. Des esprits positifs comme M. Taine n’hésitent pas à citer des faits d’écriture inconsciente et automatique[1]. À cette catégorie de faits qui restent sur la limite de la science on peut ajouter les pressentiments, la lévitation, etc. La constatation et l’interprétation de ces faits auraient un intérêt et une importance extrêmes, peut-être y trouverait-on à constater des lois naturelles inconnues, tout au moins des manifestations singulières des lois que nous connaissons. D’un autre côté, les spirites, et ils comptent un certain nombre de savants très distingués, attribuent les phénomènes observés à des esprits, leur opinion vaut au moins la peine d’être examinée de près et discutée sérieusement, et si elle est fausse, comme je le crois, cet examen pourrait au moins enrichir la science de faits nouveaux, et peut-être de lois nouvelles. Il serait étrange de croire que nous connaissons tous les modes d’action de l’esprit et de la matière. La part de l’inconnu est assez considérable pour que nous nous montrions sceptiques envers les négations comme envers les affirmations quand il s’agit de phénomènes contradictoires (encore la qualité de contradictoire n’est-elle pas aisée à déterminer) et qui peuvent être soumis à l’observation et à l’expérience, quoique l’expérience et l’observation paraissent en certains cas délicates et difficiles. Le scepticisme, au sens étymologique, doit être l’attitude de tout esprit scientifique vis-à-vis de l’inconnu.

C’est parce que M. Maudsley avait tout ce qu’il faut pour discuter et analyser le spiritisme que je regrette qu’il ne l’ait pas fait. Combien il serait facile de retourner contre son incrédulité une grande partie de ses propositions générales sur l’influence des habitudes de l’esprit, de l’idée préconçue, de l’observation mal faite, de la généralisation prématurée, etc. Le fait est que toutes les opérations de l’esprit qui, mal conduites, peuvent produire des croyances fausses, peuvent également et pour les mêmes raisons produire des non-croyances erronées. C’est à l’expérience, à l’analyse et à la synthèse des expériences à décider en dernier ressort. J’espère qu’on ne me prêtera pas l’idée de défendre le surnaturel contre M. Maudsley, mais ce n’est point défendre le surnaturel que de prêcher le scepticisme à l’égard de l’inconnu. Je pense comme M. Maudsley qu’il n’existe pas d’esprit sans un corps organisé, mais de récentes expériences sur la suggestion mentale paraissent prouver que cet esprit, ou cette matière organisée peuvent agir à dis-

  1. La très intéressante étude de M. Pierre Janet publiée dans la Revue du mois de décembre parait offrir une explication plausible de ces phénomènes.