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ANALYSES. — j. dejerine. L’hérédité dans les maladies

Weismann sur ce point. Sans d’ailleurs discuter à fond la question, M. Dejerine semble acquiescer aux critiques de Virchow. Il n’en admet pas moins d’une façon générale la théorie de Weismann et, comme celui-ci, définit l’hérédité par la continuité du plasma germinatif.

On ne peut s’empêcher de remarquer la simplicité de l’hypothèse de Weismann et qu’elle rend presque complètement compte du fait qu’il s’agit d’expliquer. Mais enfin ce n’est qu’une hypothèse, et M. Dejerine aurait peut-être pu l’indiquer plus expressément.

Suivant quelles lois s’exerce l’hérédité ? M. Dejerine se contente de rappeler sommairement les lois formulées par Darwin et de montrer très rapidement que ces lois s’appliquent au cerveau et à toutes les fonctions de cet organe comme aux autres systèmes ou appareils de l’organisme. Il lui est permis alors d’entrer dans son sujet propre, l’hérédité dans les maladies du système nerveux.

L’idée générale du livre, c’est que la plupart (chapitre II) des maladies nerveuses — au chapitre de conclusions qui termine l’ouvrage M. Dejerine dit toutes les maladies nerveuses, et c’est là évidemment sa pensée — ont une origine commune, font partie d’une seule et même famille. « Pendant longtemps, dit fort justement l’auteur, très longtemps même, l’hérédité nerveuse a été envisagée d’une façon pour ainsi dire isolée, maladie par maladie, sans que les observateurs se soient préoccupés de savoir s’il existait un lien commun entre ces différentes affections. Ce n’est qu’à une époque encore très rapprochée de la nôtre que l’on a commencé à se demander si les différents troubles par lesquels se traduisent les affections nerveuses (troubles sensitifs, sensoriels, moteurs, psychiques) étaient en réalité aussi indépendants les uns des autres qu’ils le paraissaient de prime abord, et si les affinités nombreuses qu’elles affectent les unes avec les autres n’avaient point pour cause une origine commune, à savoir l’hérédité » (p. 27). La preuve qu’il en est bien ainsi, qu’il y a vraiment une « constitution névropathique », fonds commun d’où sortent toutes les affections du système nerveux, c’est d’abord que la même maladie ne se transmet pas toujours identique à travers les générations successives, mais que l’on voit souvent telle affection cérébrale ou médullaire chez les ascendants être remplacée chez les descendants par telle autre affection cliniquement différente, mais dépendant au point de vue pathogénique de la même cause essentielle. Ainsi l’hérédité directe de l’épilepsie existe bien, mais n’a pas l’importance étiologique de « l’hérédité névropathique » ; les épileptiques ne sont pas nés toujours de parents épileptiques, mais très souvent d’alcooliques, d’hystériques, etc. « Il est fréquent de rencontrer dans les familles des épileptiques une tare nerveuse, constituant une prédisposition qui semble indiscutable » (p. 97). Ce qui est vrai de l’épilepsie ne l’est pas moins de beaucoup d’autres maladies nerveuses. Pour s’en assurer, il suffit de consulter un certain nombre des excellents tableaux généalogiques très soignés et très clairs dont M. Dejerine a rempli son livre et qui contribuent à faire son grand intérêt. — Une autre preuve de la réalité de cette « constitution névropathique », c’est la coexistence de plusieurs affections nerveuses chez le même individu, fait qui indique bien