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analyses. — guyau. L’irréligion de l’avenir

qui survivra des causes sociales qui l’ont si longtemps maintenue. On comprend dès lors que si quelque chose d’essentiel doit rester des religions, ce n’est pas le sentiment métaphysique et le goût des grandes synthèses. Qui nous assure d’ailleurs que la métaphysique doive être éternelle ? Le grand service qu’elle a rendu à la science a été de lui rappeler sans cesse qu’elle avait des bornes, et voilà pourquoi elle a duré. Mais pourquoi un jour ne viendrait-il pas où ce sentiment des bornes de notre science, confirmé par une longue expérience, pénétrerait la science elle-même et deviendrait un élément intégrant de l’esprit scientifique ; et ne peut-on même pas dire que cette évolution est en train de s’accomplir sous nos yeux ? Dès lors il ne serait plus nécessaire de démontrer perpétuellement une vérité que personne ne contesterait plus. On répond que l’esprit aspire à sortir de ces bornes ; reste à savoir si cette aspiration est légitime et raisonnable et si des échecs indéfiniment répétés ne parviendront pas à décourager l’humanité. N’y a-t-il pas d’ailleurs quelque contradiction à déclarer que le savoir est limité et à se mettre aussitôt à en franchir les limites ? M. de Candolle a remarqué quelque part que moins les peuples étaient cultivés, plus ils avaient de goût pour les questions insolubles. Si l’observation est juste, il faudrait reconnaître que le développement de la métaphysique n’est pas parallèle au développement de l’esprit humain.

Émile Durkheim.

J. Dejerine.L’hérédité dans les maladies du système nerveux. 1 vol.  in-8o, xv-293 p.. Paris, Asselin et Houzeau, 1886.

S’il est vrai que la question de l’hérédité est fondamentale en psychologie, non moins qu’en physiologie, et s’il est vrai, d’autre part, que chez les êtres supérieurs toutes les fonctions organiques dépendent étroitement du système nerveux, — cette question de l’hérédité, étudiée dans les actions nerveuses, n’offre-t-elle pas le plus haut intérêt pour le psychologue ? C’est pour cela que le récent ouvrage de M. J. Dejerine sur l’hérédité dans les maladies du système nerveux, encore qu’écrit par un médecin pour les médecins, ne saurait manquer d’attirer l’attention de tous les philosophes qui s’occupent de psychologie.

M. Dejerine a placé en tête de son livre un chapitre dans lequel, après avoir rapidement défini le terme même d’hérédité (définition qu’il emprunte à M. Ribot), il essaye de déterminer la cause du phénomène : cet essai de détermination n’est qu’une revue analytique des principales théories émises pour expliquer ce grand fait biologique. L’auteur examine très sommairement d’abord la théorie bien connue de la pangenèse de Darwin, avec la modification proposée par Galton, puis la théorie non moins connue d’Herbert Spencer ou des unités physiologiques, puis un peu plus longuement l’hypothèse de Hæckel, la théorie de la périgenèse. La traduction par M. J. Soury des Essais de psychologie cellulaire (1880) a répandu en France ces