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mécanique la mesure du temps et la force par des définitions nettes et précises soustraites à toute idée préconçue, à toute opinion métaphysique. Mais, de plus, cette méthode est pour notre esprit un véritable affranchissement, car elle nous laisse absolument libres de choisir notre mesure du temps, de façon à donner au problème de mouvement que nous étudions sa solution la plus simple et la plus élégante cette remarque vise surtout certains mouvements qui nous sont peu connus, comme les mouvements des molécules infiniment voisines ; exemple : réactions chimiques, formation des cristaux et des cellules organiques, etc.

V. De la mécanique au point de vue géométrique.

Voilà donc les grandeurs fondamentales de la mécanique, vitesse, accélération, masse, force, rigoureusement définies, en dehors de toute métaphysique ; nous allons voir maintenant que ces mêmes grandeurs peuvent être transportées, avec leurs définitions et leurs propriétés, dans le domaine de la géométrie pure, cela par la suppression du lien qui paraît les faire dépendre du monde physique.

Ce n’est pas là, remarquons-le bien, une subtilité sans intérêt : tout le monde sait aujourd’hui que le cercle, tel qu’on le définit en géométrie, conserverait toutes ses propriétés quand bien même il n’y aurait aucun cercle dans l’univers : mais il ne nous parait pas que, dans l’état actuel de la science, on envisage de la même façon les grandeurs de la mécanique ; en un mot, on ne se représente guère la vitesse sans le temps, et la force sans la matière ; il est donc d’un certain intérêt philosophique de savoir si ces idées de vitesse et de force peuvent se concevoir sans l’existence de la matière. C’est ce point que nous allons examiner en essayant de remplacer les données matérielles de la mécanique par des données mathématiques équivalentes.

Nous avons vu que, dans l’univers, tous les mouvements sont liés les uns aux autres par le fait général de la simultanéité : pendant qu’un corps parcourt les étapes successives de sa route, tous les autres corps parcourent simultanément des étapes correspondantes ; or, cette idée se transporte très facilement en géométrie : imaginons, par exemple, une droite de longueur fixe qui se déplace dans un plan de telle façon que ses deux extrémités décrivent deux cercles ; il est clair qu’à chaque position d’une extrémité sur son cercle correspondra une position de l’autre extrémité sur l’autre cercle ; voilà donc une simultanéité géométrique entre les positions des deux extrémités de cette droite. En partant de là et en généralisant, on conçoit très bien, dans un système de points géométriques mobiles,