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sautant sur un pied et la ressaisit. Elle prend pour sa jambe le bois enroulé d’un store déposé dans un coin de la pièce. Réveil et souvenir.

2o J….. devient extraordinairement grande et grosse. Sa tête touche au plafond. Invitée à passer par la porte, elle se cogne la tête contre le linteau, et refuse de passer. Je lui dis de se courber. Elle se baisse tout à fait et quand elle est à l’autre côté, d’un air satisfait : « J’y suis, monsieur. » Elle revient dans la pièce de la même manière. Moi : « C’est bien gênant d’être si grande. — Oui, monsieur. — Vous ne saurez plus mettre vous-même ni vos bas ni vos souliers. — Non ! vraiment ! (J….. fait le geste et n’atteint pas ses pieds.) Vous ne pourrez plus manger sans aide ; votre tête est bien trop haut ; vous ne sauriez atteindre votre bouche. — Hélas ! non. (J….. lève son bras en l’air le plus haut qu’elle peut ; lève les yeux et voit que sa tête est encore bien au-dessus de sa main.) Elle est inquiète. Le remède est bientôt trouvé : il s’agit simplement de lui enlever une tranche épaisse au milieu du corps et de rapprocher les deux tronçons. Approbation. J’enlève d’abord avec des ciseaux la partie supérieure du corps, je la place sur la table. Elle la voit ; puis je détache la tranche, que je mets à côté. J….. suit des yeux l’opération avec un contentement visible. « Maintenant, recollez vous-même les deux morceaux. » J….. s’empare de son demi-corps (ce demi-corps est un bas que je lui mets en main comme point d’attache pour la mémoire) et se le rapplique sur le reste. Réveil et souvenir.

3o La grosse L…, la cuisinière, est présente. Je dis à J….. que c’est une chaise. Elle s’assied sur L….. La chaise a des soubresauts étranges et désagréables qui font faire à J….. les réflexions les plus comiques. Elle cherche à la fixer, et l’examine attentivement sous tous les sens pour découvrir le défaut. Elle n’est pas rassurée et son esprit se trouble : « Monsieur, je suis fatiguée ; je voudrais bien m’asseoir ; mais cette chaise est si drôle. » La mimique de J….. est d’une vérité surprenante. Nous rions aux larmes. Mais la bonne fille devient visiblement haletante ; je la réveille quand elle est debout. Oubli absolu.

5. Non-sens logique (6 mai).

M….. n’a plus à elle que sa tête ; le corps qu’elle a est celui de J….. Aussi elle ne le sent pas ; on peut le pincer, etc. Elle ne peut non plus s’en servir ; elle ne sait remuer ni les bras, ni les jambes ; elle ne sait pas même se tenir debout. M….. tombe savamment dans le fauteuil.

À J….. on a donné le corps de M….. « Vraiment ! comme je suis petite ! » Elle se regarde de haut en bas. « Ça ne fait rien ; je m’en sers aussi bien que du mien. » Elle va, vient, se remue avec vivacité.