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tion en a été faite d’après un percentage plus élevé chez les criminels que chez les autres sujets choisis comme termes de comparaison. Or, ce tant pour cent monte rarement à plus de 35 ou de 40, de sorte que le plus grand nombre des criminels n’aurait pas de ces anomalies. Voilà le grand reproche qu’on a fait à Lombroso, et par lequel on a cru avoir gain de cause. M. du Bled, par exemple, dans la Revue des Deux Mondes (1er nov. 1886), après avoir cité mon nom avec celui de Ferri, et tout en reconnaissant l’importance des recherches anthropologiques de Lombroso, se demande : « Comment ce savant peut-il parler de type criminel, lorsque, d’après lui-même, 60 criminels sur 100 n’en présentent nullement les caractères ? »

Des objections pareilles avaient déjà été faites et n’étaient pas demeurées sans réponse. Le point vital de la question est de démontrer que la proportion des anomalies congénitales est plus forte dans un nombre donné de criminels que dans un nombre égal de non-criminels. Or, on peut affirmer que ce point est hors de question, d’après les résultats des recherches de plusieurs savants. Nous pourrions renvoyer nos lecteurs à ces travaux, mais il n’est pas inutile de leur présenter quelques-uns de ces chiffres où les différences sont le plus sensibles. Parmi les anomalies ayant un caractère régressif, le Dr Virgilio a trouvé 28 p. 100 de fronts fuyants sur des criminels vivants ; M. Bordier en a trouvé une proportion un peu plus grande parmi les crânes des suppliciés (33 p. 100) ; or, parmi les non-criminels, cette anomalie n’atteint que le 4 p. 100. Le développement de la partie inférieure du front a été remarqué par M. Lombroso, sous le nom de proéminence des arcades sourcilières et des sinus frontaux, en 66,9 cas sur 100 crânes de criminels[1] ; la proportion donnée par M. Bordier s’en rapproche beaucoup (60 p. 100) ; M. Marro l’a trouvée de 23 p. 100 sur les détenus vivants et de 18 p. 100 sur les non-criminels[2]. L’eurygnathisme (distance exagérée des zigomes) atteint, selon Lombrosole, 36 p. 100[3]. M. Marro a trouvé la même anomalie à un degré excessif sur 5 criminels parmi 141, sans qu’il en ait remarqué un seul cas parmi les non-criminels[4]. Ce dernier observateur nous assure qu’en 13,9 cas sur 100 criminels il a trouvé un manque absolu de barbe ; sur les non-criminels la proportion n’est que de 1, 5 pour 100[5]. Il a remarqué le front petit parmi les premiers dans la proportion de 41 p. 100 et dans celle de 15 p. 100 parmi les

  1. Uomo delinquente, 3e edize, 1885, pp. 173, 174, 175.
  2. Caratteri dei delinquenti, 1887, pp. 156, 157.
  3. Uomo del., p. 176.
  4. Caratteri, etc., p. 128.
  5. Idem, p. 149.