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Un aperçu rapide de l’anthropologie et de la psychologie criminelles va nous éclaircir ce point.

Quoique, dès la plus haute antiquité, on ait essayé de trouver une corrélation entre certaines formes de perversité et certains signes physiques extérieurs, on peut dire que la conception du criminel, comme une variété de l’espèce humaine, comme une race dégénérée physiquement et moralement, est tout à fait moderne, contemporaine même. La théorie de Gall est bien différente de celle des nouveaux anthropologues ; on sait que cet illustre écrivain assignait à chaque penchant humain un lobe déterminé du cerveau, dont le développement particulier était reconnaissable extérieurement par la forme du crâne à l’endroit correspondant. Comme tous les autres, chaque mauvais penchant devait avoir sa bosse ; jamais Gall n’a songé à décrire le criminel comme un type à part. C’est la tâche que se sont imposée de nos temps quelques savants qui viennent de créer l’anthropologie criminelle, une branche distincte de la science. Les recherches les plus récentes, celles de Thompson, par exemple, de Maudsley, de Benedikt, de Virgilio, de Lacassagne, de Lombroso surtout, ont-elles donné des résultats sérieux ? Est-on parvenu à trouver les caractères qui distinguent les criminels des autres hommes d’une même nation ou d’une même race ?

Chacun de ces savants a travaillé isolément ; chacun a suivi sa méthode ; leurs conclusions sont nombreuses et variées ; sur plusieurs points même le désaccord est complet. Les caractères anatomiques surtout ont trouvé bien des incrédules. Pour éviter tout malentendu, hâtons-nous de déclarer qu’il n’existe pas jusqu’à présent une anatomie du criminel. S’il avait été possible de l’établir, il n’y aurait plus lieu à la discussion ; on ne douterait pas plus de la réalité de ce type qu’on ne doute de celle du type malais ou mongol.

Nous ne connaissons pas un seul caractère physique qui distingue constamment les criminels des non-criminels ; nous n’avons pu remarquer qu’un certain nombre d’anomalies physiques, qu’on trouve aussi parmi les gens supposés honnêtes, et qui, tantôt l’une, tantôt l’autre, tantôt réunies ensemble, paraissent plus fréquemment parmi les criminels. Ce sont pour la plupart des déviations du type européen normal du crâne et de la physionomie, ayant un caractère régressif, telles que le front petit, étroit et fuyant, la proéminence des arcades sourcilières, le prognathisme, les cheveux laineux ou crépus, le manque de barbe. On a remarqué, en outre, très fréquemment, la longueur excessive des bras et l’ambidextrisme.

Ce qui est plus frappant encore c’est que lorsqu’on compare l’une à l’autre les deux grandes espèces des meurtriers et des voleurs,