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ANALYSES.o. loïs. L’accessible et l’inaccessible.

par la multitude des sensations qu’il enregistre. La résultante de tous ces mouvements est ce qui détermine l’action, que nous considérons comme libre, quand elle n’est que la réaction d’une image, qui, pour une raison quelconque, momentanée ou persistante, se trouve douée d’une plus grande force.

Quelle morale fonder sur la négation du libre arbitre ? L’auteur nous le dit, après une excellente critique des métaphysiques religieuses ou philosophiques dont la morale a été le grand écueil. Remarquons en passant que M. Loïs fait une critique, selon nous très nécessaire, de la morale de l’évangile, dont il nous montre l’insuffisance en s’appuyant sur l’autorité de M. Renan lui-même. L’auteur, comme Kant, mais d’une bien autre manière que lui, place le principe de la morale dans la conscience et la raison humaines. Cette raison, c’est tout simplement le bon sens, appliqué à nos devoirs envers nous-mêmes et à nos devoirs envers les autres. Pour nos obligations personnelles, il suffit, dit l’auteur, comme la tendance toute naturelle de la conservation. Pour nos devoirs envers nos semblables, interviennent d’autres facteurs puissants la convenance sociale, l’héritage ou l’adaptation de certaines idées bienfaisantes dans tous les descendants d’une race, l’éducation et les préjugés sociaux. Tout est d’ailleurs relatif dans cette morale positive. Être bon ou moral, c’est, avant tout, une question de tempérament et de caractère. Pour celui qui naît mauvais, organiquement et héréditairement mauvais, on peut seulement utiliser les grands remèdes : l’éducation intellectuelle et morale, ou l’instruction et l’exemple, sans oublier la souffrance-peine. La morale est aussi relative en ceci qu’elle a pour objet la convenance, ou ce qui paraît utile aux membres de la société existante. « La morale est une idée, et toutes les idées, se formant dans le cerveau humain, se modifient avec lui. »

Félicitons notre confrère espagnol d’avoir su donner à ses jeunes compatriotes de si nettes et si substantielles leçons.

Bernard Perez.