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ANALYSES.sc. novanticus. Metaphysica nova et vetusta.

siste à déterminer, à limiter. Dans cet acte, l’inconditionné, l’infini est affirmé comme thèse implicite : mais c’est là tout. Si penser, c’est limiter, comment est-il possible de penser sans limiter ? Et du moment où nous limitons, il doit y avoir de toute nécessité un non-limité dans la conscience.

B. Ce qui vient d’être dit de l’extension (ou de l’espace) peut être dit du temps. Penser le temps, c’est limiter certains instants, et par conséquent penser le non-limité.

C. D’un autre côté, la raison, par protension naturelle, et en poursuivant la diathèse du déterminé, demande l’absolument simple : elle s’obstine à vouloir empoigner l’atome. Mais là se dresse l’obstacle de la divisibilité à l’infini. « Et puis, considérez cette autre difficulté. Nous sommes arrêtés par la condition même de toute perception sensible externe, l’espace ; car nous n’avons aucune connaissance de l’espace ou de l’extension, comme abstraits ; nous n’avons d’autre connaissance que celle de choses étendues et espacées. D’ailleurs peu importe un point est une pure entité rationnelle, il n’existe nulle part excepté devant les yeux de la raison. Un point spatial simple est inconciliable avec toute pensée possible d’extériorité, tout uniment parce que la vraie définition de l’espace, son modus existendi, c’est une « pluralité de points limitatifs coexistants et contigus. Et cela, que nous regardions l’espace comme donné à notre sensibilité, ou comme projeté par cette même sensibilité.

Conséquemment, quand nous nous imaginons avoir isolé l’atome, nous découvrons que ce même atome doit, après tout, consister en points coexistants et contigus, partant qu’il est divisible. Comme atome, c’est dire qu’il nous échappe.

Dire maintenant que l’atome est un centre dynamique d’énergie est un artifice impuissant. Car l’énergie dynamique, sans l’extension, est impensable. En réalité nous affirmons toujours l’énergie dynamique de, dans, ou à travers l’extension ou la matière. Sans doute il y a un centre dynamique qui est non phénoménal, car l’être — absolu — cause opère, et agit ainsi. Mais ce terme même « agir » nous montre que c’est une pure tautologie que de dire qu’il agit dynamiquement.

Même l’atome intelligent, la monade, ne nous donne pas l’atome que nous cherchons. C’est qu’en effet s’il est étendu, voici les anciennes difficultés qui reparaissent. Et si c’est une intelligence nouménale, il a (comme dit Kant) des représentations » qui de toute façon lui constituent des parties. Or, un atome, par notion même, est tel que toute tentative de le diviser, fût-ce par la pensée, a pour résultat de le faire s’évanouir au sein du non phénoménal ou non-existant.

La solution de ces difficultés, soulevées par notre effort vers une diathèse finale, doit être cherchée dans la propre nature de l’extension elle-même. On s’apercevra que l’explication de l’infinie extension diffère en ceci de l’explication de l’infinie divisibilité : que la première s’explique par la nature propre de l’acte même de connaître, pris comme tel ;