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ANALYSES.k. burger. Appréciations de Condillac.

peut citer encore Diderot, que des spiritualistes comme MM. Caro et Janet n’ont pas dédaigné d’étudier et de louer comme philosophe, tout en combattant avec vivacité ses doctrines ; d’Holbach, que Sainte-Beuve estimait singulièrement, et bien d’autres encore, Rousseau, Montesquieu, Condorcet, Buffon qui ont abordé et résolu à leur façon quelques-unes, sinon l’ensemble des questions que se posent d’ordinaire les métaphysiciens. En outre, il accorde trop d’importance à l’ouvrage de M. Réthoré qui admire beaucoup Condillac, mais qui, en raison même de cette admiration, lui prête des théories qu’il n’a pas exposées et le critique trop rarement. Enfin et surtout, il a attribué une trop grande importance au Traité des Sensations. À la fin du dernier siècle, Destutt de Tracy reprochait déjà aux Allemands de ne connaître que cet ouvrage de Condillac et de laisser de côté tous les autres ; si M. Burger n’avait pas suivi trop docilement Cousin, qui a presque vu dans Condillac un adversaire personnel, quoiqu’il ait commencé par suivre ses doctrines ; s’il s’était plus occupé de l’opinion des hommes qui, comme M. Taine, sont moins disposés à décrier le condillacisme, il eût médité l’admirable Langue des Calculs ; il eût consulté fréquemment la Logique ; il eût lu enfin dans son entier l’œuvre de Condillac. Il eût pu ainsi bien mieux justifier ses assertions et trouver, comme nous l’avons fait nous-même, de nouvelles raisons pour recommander l’étude d’un philosophe trop dédaigné ou trop mal apprécié.

Mais l’ouvrage de M. Burger est écrit avec clarté ; il est bien composé ; les citations sont choisies avec sagacité ; enfin l’auteur montre une impartialité que ne lui ont guère enseignée ses compatriotes, ni même la plupart des Français qui ont parlé de Condillac ; il ne fait aucune de ces objections sans portée et sans valeur qu’on retrouve trop souvent chez les historiens de la philosophie ; il a étudié Condillac avec l’intention de déterminer exactement les services qu’il a pu rendre à la philosophie et aux sciences, et de faire connaître ce qui manquait à sa doctrine. Nous souhaitons que Condillac trouve dans notre pays des lecteurs aussi bienveillants et aussi impartiaux.

F. Picavet.

Scotus Novanticus. — Metaphysica nova et vetusta. A return to dualism. Londres, Williams and Norgate, 1884.

Cette métaphysique nouvelle et ancienne » est une œuvre sérieuse, digne d’être signalée avec égards. Très court (182 pages), le livre est d’une lecture attachante, et un peu dure, comme il convient. L’auteur anonyme est un familier de la philosophie kantienne ; mais, l’ayant méditée, il entreprend de la critiquer et d’échapper au scepticisme nouménal. Kant n’a voulu voir dans les catégories à priori et les idées dialectiques de la raison que des fonctions régulatrices de la connaissance : premier point dont la démonstration est aujourd’hui acquise. Scotus Novanticus veut aller plus loin, et essaye d’établir que ces fonctions (subjectives) de