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science aussi nouvelle encore que l’est celle des phénomènes hypnotiques[1].

Henri Marion.

Henri Lauret.Philosophie de Stuart Mill 1 vol.  in-8o. Félix Alcan, Paris, 1886.

L’associationisme, dit M. Lauret, n’a été étudié en France, et même à l’étranger, que par fragments ne serait-il pas opportun de reprendre de novo, et d’une façon suivie et complète, ce grand débat contemporain entre l’expérience et la raison, entre l’association et l’intuition ? Et après avoir vu, avec Stuart Mill, que la différence qui sépare l’école rationaliste de l’école associationiste est pleine de conséquences pratiques et se retrouve à la base de toutes les différences d’opinion sur des questions pratiques à une époque de progrès, M. Lauret a entrepris d’exposer et d’apprécier la philosophie de Stuart Mill.

Son livre est divisé en deux parties : l’une est consacrée à l’exposition, l’autre à la critique. On peut donner de bonnes raisons pour justifier une semblable division ; on peut dire, par exemple, qu’il convient, dans l’intérêt même des doctrines qu’on croit vraies et qu’on veut défendre contre des adversaires redoutables, de montrer d’abord qu’on est absolument décidé à combattre de bonne foi l’adversaire dont on met avant tout la doctrine sous les yeux du lecteur, afin de lui donner toutes les pièces du procès et de lui rendre facile un jugement impartial. C’est là

  1. Ces observations étaient écrites quand nous avons eu connaissance du numéro de novembre de la Revue de l’hypnotisme, contenant un article de M. le Dr Bernheim sur la suggestion envisagée au point de vue pédagogique ». Cet article répond à quelques-uns des doutes exprimés ici : par exemple M. Bernheim nous affirme que « les phénomènes du sommeil hypnotique ne sont autres que ceux du sommeil naturel », et que le sommeil provoqué est aussi inoffensif que le sommeil spontané », ou du moins peut l’être, moyennant des précautions qu’il indique. Rassuré par le témoignage d’un des juges les plus compétents, on ne peut que souhaiter de le voir tenter lui-même et mener à bien des expériences dont il garantit l’absolue innocuité. Il est dommage, à vrai dire, que dans une question scientifique, où la précision est de rigueur, il soit parlé de « suggestion à l’état de veille » (c’est l’éducation qu’on appelle ainsi), d’auto-suggestion, pour désigner soit le rêve ordinaire, soit même la résolution volontaire, d’auto-hypnotisme, enfin, pour désigner le sommeil spontané. Ce langage, trop spirituel, trop littéraire, en quelque sorte, n’ajoute rien, tant s’en faut, à la netteté des idées. Mais la question n’en est pas moins bien posée. Il s’agit de savoir si la suggestion hypnotique, susceptible, comme l’expérience l’a démontré, de modifier passagèrement les penchants, les sentiments, les idées, ne pourrait pas aussi les modifier d’une façon durable… « L’expérimentation seule peut dire jusqu’à quel point l’influence obtenue est persistante, jusqu’à quel point les passions, les instincts, les goûts, les facultés peuvent être définitivement modifiés par une suggestion hypnotique habilement conduite, fréquemment répétée. Il faut des observations nombreuses et longtemps continuées pour résoudre la question. » L’expérience pourra être stérile ; mais du moment qu’elle doit être inoffensive, nous reconnaissons très volontiers qu’il vaut la peine de la tenter, du moins dans les cas extrêmes où tous les autres moyens sont impuissants, et pourvu que ce soit avec l’assentiment des intéressés, en s’abstenant scrupuleusement de tout ce qui serait contraire au respect des personnes.