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ANALYSES.e. rabier. Leçons de philosophie.

M. Rabier concède encore à Stuart Mill que la Logique a pour objet dernier le réel, mais non, comme le croyait le philosophe anglais, le réel concret ; elle a pour objet non seulement le possible, mais ce qui est nécessaire sous condition, et par suite la réalité elle-même. De là, la nécessité de procéder par l’abstrait. M. Rabier insiste enfin sur l’utilité de la Logique.

La logique appliquée ou méthodologie est la recherche des moyens, appropriés à nos diverses facultés, d’atteindre les fins propres de chaque science particulière. Ces moyens ou méthodes devront donc varier avec la fin qu’on se propose. Or, il y a deux grandes classes de sciences, les sciences du réel, qui doivent reproduire aussi exactement que possible l’ordre du monde découvert par l’expérience, et les sciences de l’idéal, qui construisent des règles ou modèles de toutes les choses réelles et possibles. Étudions d’abord les méthodes des sciences du réel. Ces sciences se subdivisent en deux espèces : les sciences de faits, comme la physique, et les sciences de formes, comme l’histoire naturelle.

Dans les premières, il faut distinguer deux moments : on observe d’abord les faits et ensuite on expérimente pour découvrir les lois des faits observés.

Toutes les recherches auxquelles se livre le savant ont pour but de découvrir des causes et des lois, et M. Rabier remarque très justement que l’efficacité causale est la seule garantie de l’invariabilité des lois. Il faut donc avant toutes choses découvrir la cause des phénomènes. Or, la cause ne peut être trouvée par la simple inspection, car les phénomènes ne présentent à l’esprit que des successions et point du tout de déterminations. Il faut donc « prouver la causalité par la force de la pensée et du raisonnement ». Or, à quelle condition la causalité sera-t-elle prouvée ? À la condition de montrer par une expérience bien faite que tel antécédent est bien la cause et la seule cause possible de tel conséquent. Et quand est-ce que cela sera prouvé ? Quand on aura montré que seul cet antécédent est capable de produire ce conséquent. On arrive à cette démonstration : 1o par la coïncidence constante ; 2o par les exclusions légitimes. La coïncidence serait prouvée si l’on pouvait réaliser un cas de coïncidence solitaire où la cause existerait seule en face de l’effet, mais la complexité du cours de la nature empêche cette coïncidence solitaire de se réaliser ; il faut donc prendre un détour et se servir des exclusions légitimes. On arrive à opérer ces exclusions par les méthodes qu’avait pressenties Bacon, que les savants ont employées et que St. Mill ramène à cinq dont les noms sont bien connus. De ces cinq méthodes, la seule, selon M. Rabier, qui soit véritablement probante est la méthode des résidus à laquelle d’ailleurs se ramènent toutes les autres, car c’est elle seule (qui nous montre la cause et l’effet isolés et seule à seul.

Une fois la cause trouvée, le savant érige en loi universelle pour le temps et pour l’espace le rapport de causalité qu’il vient de découvrir ;