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ANALYSES.e. rabier. Leçons de philosophie.

ne le fait d’ordinaire le domaine de la Logique de celui de la Psychologie. La logique du concept ne s’occupera donc que des concepts contradictoires et des moyens de les éviter. La Psychologie distingue diverses espèces du jugement, la Logique n’en connaît qu’une. « Dans le langage, en effet, tous les rapports deviennent des rapports de qualification ou d’attribution, c’est-à-dire des rapports d’inhérence d’un attribut à un sujet. Par suite, tandis que dans la pensée les rapports saisis sont d’espèces très différentes (égalité, causalité, etc.), dans le langage le rapport énoncé est toujours un rapport d’attribution ou d’inhérence exprimé par le verbe être (sous-entendu dans tous les autres verbes)… Cette réduction des jugements à l’unité de forme permet seule de manier commodément les propositions et d’exécuter les diverses opérations logiques (pp. 18-20). »

Il y a donc dans tout jugement un sujet et un prédicat qui sont affirmés (ou niés) l’un de l’autre. Mais quel est celui qui est vraiment premier dans la pensée ? Est-ce le sujet, est-ce l’attribut ? Dans le langage, il semble bien que ce soit le sujet qui soit rangé dans l’extension du prédicat ; mais, dans la vérité de la pensée, M. Rabier croit, d’accord avec Aristote, Leibnitz, Stuart Mill, M. Lachelier, que c’est au contraire le prédicat qui est rapporté à la compréhension du sujet. Ainsi le sujet est bien ce dont on affirme, le prédicat ce qui est affirmé. La compréhension est donc le vrai point de vue de la Logique, et on ramènera cette science à sa véritable source psychologique en négligeant les relations extensives des termes, qui ne sont que dérivées ou même purement factices. « Ajoutons que, par une heureuse rencontre, ce sera la ramener aussi à ses origines historiques, puisque Aristote a construit la théorie de la proposition et du syllogisme en considérant les rapports de compréhension et non les rapports d’extension (p. 30)[1].

M. Rabier va maintenant procéder à la théorie du raisonnement. Il y a, d’après lui, deux sortes de déductions, les déductions immédiates et les déductions médiates. Il déduit les règles ordinaires de la conversion, des propositions de la considération des seuls rapports de compréhension sur lesquels il s’appuie pour réfuter, par les mêmes raisons dont s’était servi M. Lachelier[2], la quantification du prédicat proposée par Hamilton. Puis il passe à la théorie du syllogisme qu’il emprunte aux Premiers Analytiques. Il n’admet que les trois premières figures et n’examine dans chacune que les seize modes qui résultent des combinaisons de la majeure et de la mineure. À la suite d’Aristote, il s’évite ainsi l’inutile embarras de critiquer soixante-quatre modes dans chaque figure. Ce faisant, M. Rabier revient aux vraies traditions. Il remarque lui-même, d’après Prantl, et nos recherches particulières nous permettent d’affirmer qu’il est dans le vrai, que ce n’est que vers la fin du xve siècle,

  1. Voy. dans l’ouvrage de M. Rabier, p. 26, note 2. — Voy. aussi Leibnitz, N. Ess. I. iv, c. 17, § 8. — Erdmann, p. 398, col. 2. — Hamilton, Lect.on Logic., XII, t.  I, p. 218.
  2. De natura syllogismi.