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LA PSYCHOLOGIE GÉNÉRALE

DÉFINITION — LIMITE — MÉTHODE[1]


I

Il est nécessaire, au début de cet essai, non de définir, ce qui est est à peu près impossible, mais au moins d’expliquer le sens du mot psychologie générale. En effet, jusqu’ici c’est à peine s’il a été prononcé, et il n’existe pas, à notre connaissance, dans la littérature scientifique, d’ouvrage qui porte cette dénomination.

La psychologie, dit-on communément, est la science de l’intelligence, en désignant par ce mot ce qui est connu intérieurement. Ainsi tout dépend du degré d’extension qu’on donnera au mot intelligence.

À ne le prendre que dans son sens étymologique, intelligence signifie compréhension des choses ou pénétration de la cause d’action. Mais, entendu ainsi, le mot intelligence est trop étroit ; car il semble en résulter qu’une intelligence n’existe qu’à la condition d’être consciente d’elle-même. Une intelligence inconsciente serait donc, au point de vue étymologique pur, un non-sens formel, puisque comprendre une chose implique, par définition même, la conscience de cette compréhension.

Cependant les exemples d’intelligence inconsciente, si absurde que soit l’expression même, sont tout à fait nombreux et probants ; par exemple ce fait banal de la solution d’un problème pendant la nuit et le sommeil, à l’insu même de celui qui l’a résolu. Peut-on nier qu’il s’agisse là d’un problème intellectuel ? Il faut donc admettre qu’il y a des phénomènes intellectuels, inconscients, ou à peine conscients, et il n’est pas permis de restreindre la psychologie à l’étude des intelligences conscientes d’elles-mêmes.

Ce qui fait défaut dans ce cas, c’est la langue même, qui ne peut, pour ce travail inconscient de l’esprit, employer d’autre terme que le terme intelligence, assurément défectueux. L’expression travail psychique est bien supérieure, encore qu’elle ait une apparence

  1. Extrait d’un livre intitulé Essai de psychologie générale, qui paraîtra prochainement à la librairie F. Alcan. 1 vol.  in-12 de la Bibl. de phil. contemporaine. — Voyez Revue philosophique, juin 1886, Les origines de la mémoire.